Café Carabosse

Café Carabosse : on ferme !

Café Carabosse

 

On ferme !

 

Ce n'est pas parce qu'on aurait oublié de payer le loyer, ou égaré la clé. Ce n'est pas non plus parce qu'on aurait eu peur, des ceintures d'explosifs, des perquisitions nocturnes, des cowboys du commissaire Vandersmissen (1).

Mais toutes les bonnes choses ont une fin, contrairement aux mauvaises qui semblent ne jamais vouloir se terminer.

Tout au long de ces années, on a multiplié les débats insolites, les propositions innovatrices. Mais ne pleurez pas, d'autres sont prêts à prendre la relève. Ainsi, même nous n'aurions pas osé mettre en avant un contrôle accru des allocataires des CPAS au moment même où le monde s'indigne – assez hyprocitement, il est vrai - de la découverte d'un système de plus d'évasion fiscale (2). Notre gouvernement, lui, n'a pas eu peur de l'effet de choc !

A côté de ce grandiose paradoxe, que nous paraissons modestes avec des idées comme celle d'inscrire sur les fusils de la FN, « attention, les balles tuent », comme sur les paquets de cigarettes ! Quel manque d'imagination dans notre suggestion d'un parcours d'intégration obligatoire pour celles et ceux qui ne respectent pas nos valeurs : propriétaires refusant de louer leur bien à des personnes d'origine étrangère ou aux allocataires sociaux, employeurs pourvoyeurs de plafonds de verre, de planchers collants et d’écarts salariaux, frappeurs de femmes, harceleurs de rue... Quelle faiblesse morale dans la proposition d'introduire un permis de vivre à points ! Quelle étroitesse d'esprit dans le refus d'accueillir toute la richesse du monde dans des communes débordant déjà de logements hors de prix, de commerces de luxe et de demandeurs d'asile fiscaux ! Quelle petitesse à vouloir interdire le port de la cravate, élément inconfortable, dangereux et marqueur social contraire à la neutralité qu'on peut attendre des services publics ! Et quelle arrogance à prétendre épater un gouvernement aussi imaginatif en lui suggérant de remplacer les contrôles des compteurs de gaz, d'eau ou d'électricité, par des toilettes intelligentes capables de détecter à coup sûr les chômeur/se/s cohabitant/e/s non déclarés, tellement ruineux pour nos finances !

Car oui, toutes ces idées se sont retrouvées dans notre chronique ; durant toutes ces années, avec nos modestes moyens, nous avons cherché des solutions inédites, suivi des pistes encore inexplorées, tiré des plans sur la comète qui n'en demandait pas tant. Quant à notre souci de regarder le monde avec des lunettes féministes, faisons confiance à nos autorités (mot féminin, n'est-ce pas déjà un signe ?) : ne clament-elles pas que l'égalité entre femmes et hommes est l'une de « nos valeurs fondamentales », qu'elles sont prêtes à défendre à tout prix ? Et si de nombreuses mesures vont en sens inverse, vers le creusement des inégalités (pensions, temps partiel, mais aussi réduction des subsides aux associations actives dans ce domaine...), ne nous y trompons pas : il ne peut s'agir d'incohérence, juste d'une ruse pour mieux égarer l'ennemi...

En route donc vers un avenir radieux !

 

On vous manque déjà ? Sachez que la plupart des chroniques sont disponibles sur le site de Politique.

1) Vous savez, ce chef de la police bruxelloise, connu pour ses méthodes brutales envers certain/e/s manifestant/e/s – migrant/e/s, de gauche... Et pour sa grande tolérance pour les voyous d'extrême-droite.

2) Ce texte est écrit début avril, au moment des révélations des Panama Papers.

 

A la suédoise

(extraits d'un article à paraître dans Politique)

 

"Nous posons donc la question brutalement à notre invitée du jour : cette pseudo « suédoise », n'est-ce pas une insulte à la Suède ?


- Oh, vous savez, la Suède n'est plus ce qu'elle était. Depuis l'arrivée au pouvoir d'une coalition de droite en 2006, le fameux « modèle suédois » a été revu à la baisse : en matières de retraites, de droit au chômage, de dégressivité des allocations, de baisse des impôts... Et le nucléaire continue à être développé, malgré un référendum qui a marqué, dans les années 1980, la défiance de la population. Du point de vue des reculs sociaux, « suédoise » n'est pas un si mauvais qualificatif. Mais bien sûr, il y a tout le reste.


- En Belgique on évoque un gouvernement de 15 ministres, qui ne compterait que 4 femmes, même pas le tiers. Est-ce bien suédo-compatible ?


- Non, là c'est clair : à Stockholm, nous avons 13 femmes sur 24 ministres, une majorité qui compense peut-être le fait que le Premier et son Vice sont des hommes. Et aux dernières élections européennes, la Suède a réalisé une première européenne : envoyer au Parlement une représentante d'un parti d' « Initiative Féministe ».
(...)


- Et en matière de justice ? La prochaine coalition promet des lois plus sévères, une limitation des libérations conditionnelles...


- Là, c'est un contresens : pendant que vos prisons explosent, en Suède, elles se vident. En 2013 encore, cinq prisons ont été fermées, faute de détenus. Oh, les Suédois ne se sont pas transformés en anges : c'est le résultat à la fois d'une politique d'investissemrent dans la réinsertion ou les peines alternatives pour les petits délits, et une forte réduction des peines pour des affaires liées à la drogue. Et si la délinquance n'a pas baissé pour autant, la société suédoise n'en est pas devenue plus violente.

(...)"

Mis à jour (Mercredi, 20 Août 2014 08:29)

 

Pour l'interdiction du port de la cravate

« Ce soir, nous avons l'honneur de recevoir une invitée remarquable. Une femme qui a fait de la libération des hommes un combat personnel, à commencer très concrètement, sur le terrain, dans sa propre entreprise. Même si cela provoque des conflits, comme cette manifestation d'hommes au torse nu dont vous avez certainement entendu parler. Il peut paraître dérisoire de se focaliser ainsi sur un bout de tissu, mais notre invitée est là pour s'en expliquer et répondre à toutes vos questions : donc, dans votre société, vous avez décidé d'interdire le port de la cravate.

- Tout à fait. C'est très inconfortable, ça serre horriblement le cou et en plus c'est dangereux : ça peut se coincer dans une porte, ou un agresseur peut vous attraper le soir dans un parking désert... et hop, il vous étrangle sans effort. En plus, je sais que certains ne la portent que sous la pression de leur entourage, et notamment de leur femme ou de leur mère. Car qui achète les cravates, qui les repasse amoureusement ? Les femmes. Alors voilà : je les aide à résister . Et croyez-moi, la plupart me remercient. Quant aux autres, ils n'ont qu'à remettre leur colifichet à la sortie. Je leur ai installé un vestiaire rien que pour eux.

  • Mais il y en a qui refusent ce règlement, quitte à risquer leur emploi, non ?

  • Justement, si! J'ai du mal à le comprendre, mais pour certains, travailler sans cravate c'est comme être tout nu. Que voulez-vous, le conditionnement social... Mais je ne céderai pas. C'est pour leur bien. Il est temps que les hommes s'émancipent, de gré ou de force.

  • Vous avez raison. Moi qui ai travaillé avec des publics précaires, j'ai vu ce que ça donne : on voit de pauvres gens arriver en t-shirt et se retrouver devant une espèce de bourge coincé... du moins à en croire son apparences. Qu'est-ce qu'il peut comprendre à leurs problèmes ? Est-ce qu'il sera capable de les écouter, ou va-t-il leur faire la morale ? La cravate est un marqueur social, tout à fait contraire à la neutralité qu'on peut attendre de nos employés.

  • Ce ne sont pas des préjugés, ça ? Certains de ces cravatés sont très ouverts et font leur travail consciencieusement. La cravate serre le cou, mais pas le cerveau !

  • Oui, mais il y en a d'autres qui le prennent de haut. J'en connais même un qui a refusé de serrer la main de la femme de ménage ! Pardon, de la titre-service... sous prétexte qu'il était allergique aux produits de nettoyage !

  • Et pour ceux qui ne sont pas en contact direct avec le public ? Le back-office, les top managers, les cadres supérieurs... Vous admettez des exceptions ?

  • C'est délicat. Il existe un risque de croiser une de ces exceptions dans un couloir, ou dans l'ascenseur. Mais nous pensons à des alternatives. Elio, qui est notre délégué principal, m'a proposé un compromis : un noeud papillon discret, éventuellement glissé sous le pull. On en discute. Je ne suis pas fermée à des accommodements raisonnables.

Mais pourquoi seulement la cravate ? Après tout, le maquillage, les talons aiguille... ça me paraît tout aussi conditionné et tout aussi mauvais pour la santé. Est-ce que vous ne craignez pas qu'on puisse vous reprocher une discrimination indirecte envers les hommes ?

  • Pas du tout, le règlement est clair : la cravate est interdite pour tout le monde, femmes, hommes et toute la gamme des intermédiaires. Pas de sexisme chez moi !

 

Toute ressemblance avec des situations existantes serait naturellement une pure coïncidence

Mis à jour (Mardi, 25 Mars 2014 08:27)

 

Les pensions sans tabous


 

‘‘Au Café Carabosse, aucun sujet ne nous fait peur ! Ainsi, ce soir, nous allons aborder une problématique délicate, que notre invitée du jour aborde sans tabous. Quel parti politique osera s’emparer de l’idée, du moins après les élections, comme pour beaucoup de sujets délicats ? Voilà, dites-nous tout.

  • - C’est vrai, j’ai décidé de m’attaquer frontalement à l’avenir de nos pensions. Non que j’aie une quelconque compétence dans ce domaine, si ce n’est celle, largement partagée, de vieillir, et d’être donc davantage concernée aujourd’hui qu’hier et bien moins que demain. Dans les programmes électoraux, je constate que personne n’a le courage de s’attaquer à la catégorie de la population la plus coûteuse et la plus nuisible : les vieux ! Car les jeunes finiront par cesser d’être jeunes, et on peut même penser que certains chômeurs retrouveront du travail, de gré ou de force. Mais les vieux, eux, continueront de vieillir et de représenter pour nos forces vives un poids déraisonnable que je vous propose donc d’alléger !
  • - Voilà qui paraît prometteur... mais comment feriez-vous ?
  • - Oh, je n’ai rien inventé ! Je me suis contentée de m’inspirer de la courageuse politique de notre gouvernement en matière de chômage : je propose donc l’activation des pensionnés, associée à une dégressivité des retraites ! Eh oui ! Tous ces soixante-cinq, soixante-six, soixante-sept ou (pire) soixante-huitards qui croient pouvoir se dorer la couenne au soleil, sans même songer à se rendre utiles en compensant la pénurie de crèches, de profs, d’infirmières, ou au moins à faire les courses pour leurs voisins encore plus décrépis, visiter les malades ou, au moins, une fois par an, vendre des post-it au profit de la sécurité sociale... Tous ceux-là ne méritent pas notre compassion. Au boulot ! Voilà ce que je leur dis : le pays a besoin de vos bras tremblotants, de vos cerveaux criblés de trous de mémoire. Au boulot, ou une retraite qui baissera jusqu’à évaporation totale !
  • - Mais alors, de quoi vivront-ils ?
  • - Eh bien, s’ils ont été gentils – ce qui améliorera l’ambiance dans la famille –, ils seront nourris par leurs petits-enfants. Sinon, ils disputeront les graines aux pigeons. Comment croyez-vous que font les Grecs ou les Espagnols ? L’avantage de les cibler avec cette mesure d’économie, c’est aussi la faible probabilité d’une révolte, étant donné que les barricades sont rarement accessibles aux fauteuils roulants.

- Jusqu’ici, vous parlez au masculin, mais comme vous le savez, les femmes vivent plus longtemps que les hommes. Ne risquent-elles pas de souffrir davantage de cette mesure ?

- Pour moi, le gender mainstreaming, c’est sacré ! Car en effet, il se fait que nos femmes s’obstinent à survivre à leurs maris ou leurs amants, à croire qu’elles les empoisonnent un à un... Bref, alors qu’elles ont moins cotisé, les profiteuses, grâce à leurs salaires moins élevés et leurs carrières en dents de scie, elles nous pompent plus longtemps nos richesses et occupent abusivement les rares places dans nos belles maisons de retraite. C’est pourquoi je compte proposer, comme forme de discrimination positive, rien que pour elles, l’IVV : l’interruption volontaire de vieillesse – le terme « volontaire » n’étant là que pour ne pas les effaroucher, dans un premier temps. Non, aucun rapport avec l’euthanasie, car il n’est pas question de mettre fin à leurs souffrances, mais bien aux nôtres ! Ce qui, avouez-le, n’est pas moins respectable – d’autant que notre nombre est plus élevé. Alors ? Quel parti va relever le défi ?

(article paru dans Politique, n° 85, mai 2014, rubrique Café Carabosse)

 

Mis à jour (Samedi, 10 Mai 2014 15:53)

 

Les ghettos au poteau !


‘‘Ce soir, nous avons le plaisir d’accueillir l’auteure d’une proposition révolutionnaire : « Les ghettos au poteau ! », en réponse à une problématique qui pourrit la vie de certains de nos quartiers, livrés à de biens gênants envahisseurs. Tout d’abord, parlez-nous du constat à la base de votre initiative ?

- Il est simple. Avec l’arrivée massive de certaines populations, on voit l’environnement se dégrader : les prix immobiliers flambent, les magasins de proximité ferment les uns après les autres pour laisser la place aux commerces de luxe, on ne peut plus se promener en rue en jeans et baskets sans se faire agresser par des regards hostiles, nos enfants risquent leur peau en se prenant une balle perdue tirée par un bijoutier irascible... Nos jeunes ne peuvent plus se payer un logement, et voilà nos plus beaux quartiers transformés en ghettos de vieux bouclés à double tour derrière leurs portes blindées ! Sans même parler de l’explosion de la délinquance financière ! Et l’on peut craindre qu’avec l’augmentation des inégalités, nous n’en ayons pas fini de voir débarquer ces riches, attirés par notre générosité fiscale.

- Vous pointez aussi la chute du taux d’emploi...

- Je ne vous le fais pas dire ! L’antenne d’Actiris de ma commune a dû licencier du personnel, car ces gens-là ne cherchent pas de boulot, et même le CPAS est menacé.

- Un constat alarmant, en effet. D’aucuns vont jusqu’à proposer de construire un mur truffé d’alarmes sensibles aux portefeuilles (d’actions) trop bien garnis... Mais vous avez une autre proposition.

- En effet, car notre pays ne manque pas d’exemples de bonnes pratiques qu’il suffit de transposer. Prenez l’idée « etterbeekoise » [1]  : pas plus de quatre riches par rue. Ce n’est pas une solution idéale, certes, mais si l’on ne peut tarir le flux, essayons au moins de le canaliser. Le cinquième arrivé devra aller se faire voir ailleurs. Il y a aussi la méthode « carolo-liégeoise » [2]  : déplacer régulièrement le problème en faisant tourner les millionnaires. Un an à Uccle, un an à Woluwe-Saint-Pierre, un an à Lasne et un an à Rhode-Saint-Genèse. Comme ça, ils pourront aussi apprendre le néerlandais. Ou la langue des signes et le déchiffrement des pictogrammes, au choix.

- Vous ne craignez pas que certains vous accusent de richophobie ou de millionnairebashing  ?

- Bien sûr, nous savons hélas à quel point le politiquement correct fait des ravages. Mais ignorons ces minables quolibets. Nous savons toutes et tous à quel point la Belgique est accueillante aux riches, prête même à confier à l’un de leurs meilleurs amis le portefeuille des finances, puis celui des affaires étrangères – si j’ose parler ici de portefeuille. Les Belges forment un peuple ouvert, prêt à accueillir toute personne qui veut s’intégrer, même si cette intégration est rendue difficile par des modes de vie tellement éloignés des nôtres. Nous sommes donc prêts à ouvrir la porte... mais tout de même, nous ne pouvons accueillir toute la richesse du monde !

[1] En hommage à l’idée lumineuse du bourgmestre d’Etterbeek limitant le nombre de mendiants à quatre par rue.

[2] En hommage à l’idée lumineuse du bourgmestre de Charleroi, inspiré de son collègue de Liège, de faire « tourner » les mendiants chaque jour dans une commune différente, avec relâche le dimanche.

 

Paru dans Politique n° 82, novembre 2013

 
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