Parcours de désintégration

Bienvenue en Belgique !

Tu viens de débarquer dans notre beau pays démocratique, grâce au principe du regroupement familial. Il fait froid et il pleut, mais qu'importe, te voilà dans un petit paradis : celui du respect des droits humains, de l'égalité entre hommes et femmes, avec la certitude que si jamais ta dignité et ta sécurité sont bafouées, tu trouveras de l'aide !

Tu as fait ce chemin pour rejoindre un Belge si charmant rencontré dans ton pays durant ses vacances ou son voyage professionnel, ou un de tes compatriotes qui a obtenu un séjour légal. Tu arrives avec de grands rêves : apprendre la langue, suivre une formation, trouver du travail, fonder une famille.

Les premiers temps, tout va bien. Tu t'acclimates doucement. Mais voilà que de petits incidents viennent obscurcir ta vie : ton mari te fait des remarques désobligeantes sur ta manière de t'habiller, de faire la cuisine, il se met à te surveiller, il ne veut pas que tu voies certaines personnes, et comme tu ne le prends pas assez au sérieux, il t'enferme à la maison. Que peux-tu faire ? Ton droit de séjour dépend de lui, durant les trois premières années de ton mariage (et bientôt cinq). Alors tu mords sur ta chique et tu te dis que ça lui passera.

Mais ça ne passe pas.

 

Mis à jour (Mercredi, 27 Novembre 2013 17:41)

 

Journée internationale de l'homme blanc hétérosexuel et valide

Le 31 novembre prochain, ce sera la journée internationale de l'homme blanc, hétérosexuel, valide, d'âge et de revenus moyens. En cherchant bien, on pourra sûrement en trouver un qui a été, risque d'être ou sera, au cours de sa vie, victime d'une injustice exigeant la mobilisation générale. Quoi, vous ne connaissez pas le racisme anti-blanc ? L'hétérophobie ? Et ces fauteuils roulants qui vous écrasent les pieds et se réservent le privilège d'une place douillette tout près de l'entrée de votre supermarché ? Assez ! Le 31 novembre, visibilisons enfin ces inqualifiables discriminations !

Bon, d'accord, le 31 novembre n'existe pas et cette journée internationale non plus. Mais ce qui existe bel et bien, même si ce n'est pas reconnu officiellement, c'est une « journée internationale de l'homme », le 19 novembre. Et il a fallu, hélas, que ce soit l'Institut pour l'Egalité des Femmes et des Hommes (IEFH), voulu et mis en place avec l'insistance des organisations féministes, qui sorte ce « machin » de la confidentialité en se fendant d'un communiqué intitulé : « Les hommes aussi sont victimes du sexisme ».

 

Mis à jour (Mercredi, 20 Novembre 2013 11:04)

 

Moustique, l'hebdo qui pique... à côté de la plaque

Moustique, « l'hebdo qui pique », met en « une » cette semaine une « Polémique : les dangers de l'antiracisme ». Oui, vous lisez bien : ce n'est pas le racisme qui discrimine, rejette, humilie et va parfois jusqu'à tuer : non, le vrai péril, c'est l'antiracisme, dont les victimes sont... voyons, que sont-elles ? Torturées ? Jetées aux crocodiles ? Forcées à l'exil, condamnées à frapper à la porte de la Hongrie d'Orban ou de la Grèce d'Aube Dorée, pour demander asile et protection ? Ouvrons donc l'hebdomadaire pour en savoir plus sur les horribles conséquences d'un antiracisme buté...

On y découvre, en effet, les malheureuses victimes : « Stéphane Pauwels et Serge Vermeiren, pour avoir dit de Stromae qu’il était "un garçon de couleur bien intégré". Philippe Vande Walle, viré de l’équipe de consultants foot RTBF pour avoir voulu défendre les "purs Belges" face à des binationaux qui hésitent entre notre équipe nationale et celle d’un autre pays.Quant à Thierry Willemarck, le président de la Chambre de commerce et d’industrie bruxelloise, il s’est fait vertement taper sur les doigts pour avoir sugéré dans une interview qu’on donne "un coup de pied au cul" aux jeunes d’origines étrangères qui brossent les cours, au risque de plomber leurs études ». Sans oublier le Père Fouettard, parti se pendre (mais on ne vous le dira pas, les antiracistes sont aussi d'horribles censeurs).

 

Mis à jour (Mercredi, 30 Octobre 2013 18:58)

 

Rencontre avec des femmes voilées

Ce samedi 2 novembre, un groupe de femmes s'appelant « L'encre des voilées » avait lancé une invitation à une table ronde sur le thème « La parole aux principales concernées ». Voilà qui ne pouvait que m'intriguer : bien que rien ne me prédestinait à m'intéresser au port du foulard – moi la féministe juive athée – il se fait que c'est un sujet devenu, au fil du temps, l'un de mes centres d'intérêt et de militantisme. Parce qu'en tant que féministe et laïque, je suis interpellée par l'exclusion qui frappe ces femmes au nom, justement, des convictions qui me sont chères. Et je constate que trop souvent, celles/ceux qui les condamnent comme celles/ceux qui les défendent ont tendance à parler à leur place, en leur absence. Elles, on ne les entend guère.

Bien sûr, il arrive que je rencontre des femmes portant le foulard en dehors de ce type de réunion formalisée, mais justement, j'ai alors envie de parler avec elles d'autres sujets, touchant nos engagements communs. Car oui, une femme voilée est capable de s'intéresser à plein d'autres choses, si on lui laisse l'occasion de l'exprimer.

Tout cela pour dire que je me suis retrouvée, ce samedi-là, avec une petite dizaine de femmes, parmi lesquelles nous étions deux « autres » - c'est le seul terme que je peux trouver, car comment le dire autrement ? Femmes « blanches » - comme si elles étaient noires ! Femmes non croyantes - mais pour l'autre personne non voilée, je n'en savais rien ! Femmes « belges » - mais certaines, nées ici, étaient plus « belges » que moi !

Bref, nous étions deux à avoir répondu à l'invitation pour écouter les « premières concernées ». Car une chose est de savoir qu'elles sont victimes de discriminations, une autre de remplir ce terme un peu abstrait de tout le poids vivant des expériences qu'elles font quotidiennement.

Et elles en ont parlé, certaines avec beaucoup d'émotion, d'autres avec révolte, d'autres encore avec une espèce de colère froide, à force d' « habitude ». On ne devrait jamais d'habituer à ces choses-là. Le poste qu'on vous refuse sans même vous interroger sur vos qualifications. Le resto qui vous fout dehors. Un directeur d'école qui vous fait sortir d'une file alors que vous veniez simplement chercher des informations. Les pressions pour que vous enleviez votre foulard pas seulement sur le lieu du travail mais aussi dans la rue parce que vous comprenez, on est un petit village, les gens qui vous croisent savent que vous travaillez chez nous, ça pourrait les déranger... Le réflexe, en vous renseignant sur des études ou un travail, de penser d'abord « est-ce que mon foulard sera accepté ? », avant même de vous demander si cela correspondra à vos compétences ou vos ambitions. Les gens qui refusent de s'asseoir à côté de vous dans un bus. C'est peut-être ce qui m'a le plus frappée, pour la cruauté gratuite du geste mais aussi, peut-être, parce que dans un autre temps et un tout autre contexte, j'ai vécu cela, des personnes qui refusent de s'asseoir à côté de vous, comme si vous étiez contagieuse.

On me dira que pour ne pas vivre ces expériences, elles "n'ont qu'à" enlever leur foulard. Que nous le comprenions ou non, pour celles qui étaient là, c'était un choix réfléchi, mûri, parfois récent, et parfois même mal compris dans leur propre communauté. Je ne vois pas ce qui me donnerait le droit de le leur dénier.

Lors de la première animation où l'on devait choisir une image et en discuter deux par deux, ma partenaire a pris celle d'un petit chat qui, se regardant dans le miroir, voit un lion impressionnant. Ce qui pour moi évoque la confiance en soi ou la prétention de s'imaginer plus grand/e que l'on n'est, représentait pour elle la distance entre la façon dont elle se voit – en petit chat gentil – et la façon dont les autres la perçoivent – en fauve menaçant. D'autres ont réagi avec davantage de révolte, mais des expériences négatives, toutes en ont à raconter à la pelle.

La deuxième animation consistait à inscrire un mot, un seul, qu'on voudrait lancer comme « message aux autres ». Espoir. Possible. Courage. Endurance. Résistance... Moi, j'ai choisi « solidarité », que j'aurais dû mettre au pluriel. Car je ne veux pas d'une solidarité à sens unique, d'une attitude un peu « maternaliste » où nous, femmes « non voilées », soutenons leur droit à ne pas être discriminées. Ce que j'aimerais , et je le leur ai dit, ce serait de voir un groupe de femmes voilées débarquer, en groupe, dans une manifestation pour une cause qui à la fois ne serait pas la leur (pas forcément conforme à leurs convictions) mais qui serait quand même la leur dans le sens où il s'agirait de revendiquer la liberté de choix, même si ce n'est pas le nôtre : dans une manif pour le droit à l'avortement ou à la Lesbian&Gay Pride, par exemple. Voilà qui serait un geste fort.

Nous n'avons guère eu l'occasion d'en discuter, mais les initiatrices de l'après-midi voudraient renouveler l'expérience. Elles souhaiteraient, ont-elles insisté, pouvoir aussi rencontrer des femmes pour qui le port du foulard pose question. Ce serait effectivement intéressant, car je ne considère pas (contrairement à certain/e/s de mes ami/e/s de la mouvance "laïcité inclusive") que toute personne hostile ou perplexe sur la question du voile est forcément « raciste ». Mais pour faire venir ces interlocutrices-là, il faudrait sans doute un autre dispositif, où elles seraient à l'aise pour exprimer leurs réticences ou même leurs oppositions, dans un échange qui n'oblige pas les unes et/ou les autres à d'éternelles justifications. Pas simple à mettre en place. Mais ce serait vraiment une belle expérience.

 

pour en savoir plus sur ce groupe : http://recitsdunevoilees.over-blog.com/

Mis à jour (Dimanche, 03 Novembre 2013 12:53)

 

Politiquement correct

"Tabou", "politiquement correct", "pensée unique"... voilà les nouveaux termes infâmants servant à délégitimer les opinions des autres. Heureusement, de valeureux chevaliers offrent leur poitrail dénudés aux flèches et aux crachats pour défendre la "liberté d'expression", la vraie - celle qui défend l'opinion qui est la leur.

Exemples pratiques. Un Père Fouettard noir, est-ce que c'est raciste... ? Voilà apparemment la question du jour. Question peut-être incongrue qu'on a un peu rapidement attribuée à l'ONU, alors qu'il s'agit apparemment d'une initiative individuelle (1). En tout cas, le retour de bâton n'a pas manqué, avec cette pétition néerlandaise pour la préservation de la plus précieuse des traditions, celle du Zwarte Piet, qui a recueilli en quelques heures plus d'un millions de « like » (puisqu'aujourd'hui, c'est ainsi qu'on s'engage : en « likant » les indignations des autres). On aimerait que les Néerlandais mettent un peu plus d'énergie à préserver leurs traditions aujourd'hui mises à mal, comme leur grande tolérance ou l'accueil des réprouvés du monde. Mais soit : se demander si ce personnage noir n'a pas des relents de colonialisme - rien que se le demander, ce serait déjà du "politiquement correct".

 

Mis à jour (Jeudi, 24 Octobre 2013 19:31)

 
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