Haro sur les syndicats !

A en croire nos grands médias, la grève et les blocages de ce lundi 19 octobre en province de Liège sont la « cause » de deux décès. Inutile même de s'embarrasser de précautions oratoires, de rappeler que rien ne démontre actuellement que ces deux personnes auraient pu être sauvées ; on en oublierait presque que l'une est morte suite à une rupture d'anévrisme et l'autre d'un infarctus, non, la seule cause, ce sont les piquets sur l'autoroute. L'occasion est trop belle pour taper sur les syndicats et plus largement, sur tout ceux et celles qui osent bouger, un député MR allant jusqu'à accuser un de ses collègues du PTB d'avoir « du sang sur les mains »...

Haro sur la FGTB, donc, à longueur de colonnes, de titres ronflants, d'éditos vengeurs ou au mieux condescendants (1) (dressant les « gentils syndicats » prêts à la concertation contre les « méchants » de la FGTB), pour faire mine de s'étonner, ensuite, que « les syndicats peinent à redorer leur image » (2).

 

Occasion providentielle pour la N-VA pour brandir son intention de limiter le droit de grève, tandis que le MR, de son côté, souhaite « sacraliser la liberté de se rendre à son travail ». Non, non, il ne s'agit pas de développer les transports en commun, de réfléchir à une vraie politique de mobilité qui éviterait les kilomètres de files quotidiennes autour et dans Bruxelles, pas du tout : la seule entrave à une circulation fluide et riante, on le sait, ce sont les piquets de grève.

Ces derniers temps, en fait, je n'avais pas tellement envie de les défendre, nos syndicats. Moi aussi, j'avais des reproches à leur faire. Je leur en voulais – et je leur en veux toujours - d'avoir signé un accord honteux dans le « Groupe des 10 », d'avori sacrifié les plus vulnérables – malades, temps partiels qui sont en majorité des femmes – pour sauvegarder les pensions complémentaires, un système injuste (puisqu'il ne s'applique pas à tous et encore moins à toutes, dépendant notamment des secteurs) et dangereux pour la pension légale, et que nos syndicats ne songent même plus à dénoncer. D'envoyer 100 000 personnes dans la rue et de ne rien en faire. De n'avoir plus comme prétention que de « corriger » (et encore, à la marge) les projets antisociaux du gouvernement, plutôt que de les combattre frontalement.

Alors oui, une colère monte. Alors oui, il y a des débordements, et parfois à l'intérieur même des mobilisations – comme l'ont expérimenté les femmes formant un bloc à la manifestation du 7 octobre, prises à partie par des « camarades » avec jets de pétards, insultes et mains baladeuses. Alors oui, c'est aux syndicats non pas de « canaliser » leurs troupes, mais de les former, de poser des limites, mais aussi d'organiser une véritable riposte qui ne laisse pas sur le côté les catégories les plus vulnérables, femmes, malades, chômeur/se/s.

Mais cela n'a rien à voir avec l'imposition d'une personnalité juridique (qui revient à un contrôle externe sur les finances et les actrivités) ou une limitation des droits de grève, de manifestation, de résistance. Il ne faut pas croire qu'il s'agit simplement d'une réaction, somme toute « compréhensible », à des événements tragiques qui auraient soudain bouleversé nos politiques. Non, il s'agit d'une offensive longuement préparée, et qui dépasse de loin nos frontières. C'est le moment de ressortir cet article de l'Humanité, datant de février dernier, qui annonçait clairement la couleur, exemples à l'appui : « Le patronat mondial part en guerre contre la grève ». Le chapitre belge est en train de s'écrire. La résistance se doit d'être à la hauteur.

 

(1) « Tous les syndicats ne sont pas aussi destructeurs que la FGTB », titre Francis Van de Woestyne dans son édito du 23 octobre, histoire de montrer sa fibre sociale

(2) La Libre, 23 octobre 2015

Mis à jour (Dimanche, 25 Octobre 2015 10:04)