C'est l'histoire d'une femme...
Dans son pays, elle était cheffe d'entreprise. Et puis la guerre l'a chassée. Elle est arrivée en Belgique à une époque où on pouvait encore espérer être accueillie. Elle a élevé huit enfants, en partie seule. Puis, à plus de 40 ans, elle a décidé de suivre une formation d'employée de bureau parce qu'elle voulait retrouver du travail.
Rien d'une « faible femme soumise », donc.
En attendant de compléter cette formation et de le trouver, ce boulot, elle émarge au CPAS. Et elle est candidate pour un poste en Article 60. Vous savez, cet emploi qui n'en est pas vraiment un puisqu'il ne peut pas se prolonger dans le temps, mais qui permet au moins d'avoir accès aux allocations de chômage (avant, on le suppose , d'en être exclu-e et de retourner au CPAS... L'Article 60, c'est en quelque sorte la concrétisation du mouvement perpétuel...)
Donc, elle se présente dans une association où après passage de tests et entretiens, elle se révèle la meilleure candidate. Voilà, le sésame est entre ses mains... ou presque. Un dernier obstacle subsiste : elle sera engagée à condition d'enlever son foulard. Ce qu'elle refuse. Voilà, une belle association installée en plein Molenbeek, ayant dans son nom le beau terme de « Solidarité » , qui rejette la meilleure candidate parce qu'elle porte le foulard.
Il ne s'agit pas là d'un service public, ni d'une autorité, mais d'un simple poste de secrétariat dans une ASBL, institution privée. Ce n'est donc rien d'autre qu'un cas flagrant de discrimination.
On peut comprendre qu'une femme un peu pardue dans sa recherche d'emploi et les rejets dont elle fait l'objet (on devine que ce n'est pas la première fois...) n'ait pas l'audace, en plus, d eporter plainte au Centre pour l'Egalité des Chances (dont elle ne connaît peut-être même pas l'existence). Mais le CPAS, lui, devrait le faire. Interpellée là-dessus, l'assistante sociale qui s'occupe d'elle est visiblement gênée aux entournures : voux comprenez, on est mal placé, parce qu'au CPAS même, le port du foulard est interdit...
Ben oui. Voilà. D'aucun/e/s diront « elle n'a qu'à l'enlever, son fichu foulard ». D'autres répondront : quoi que nous en pensions, pour elle, c'est une partie de son identité.
Voilà, c'est une histoire que j'avais envie de vous raconter au moment où le Parlement wallon discute d'une résolution visant à interdire le « port de signes convictionnels » pour les fonctionnaires en contact avec le public (mais tout le monde a bien compris qu'il s'agit juste du port du foulard).
Ah oui, quand même, ne pas oublier le happy end : finalement, une autre association, qui se définit clairement comme féministe, a décidé de l'engager. Et je suis fière de faire partie de cette association-là.
Mis à jour (Mercredi, 26 Mars 2014 11:22)