Seins nus, blu blu
« L'ULB sous le choc d'un débat avorté (...) Le recteur de l’ULB Didier Viviers s’est dit « consterné et scandalisé par cette atteinte grave à la liberté d’expression dans une université pour laquelle le débat et le respect de l’autre sont des valeurs fondamentales ». Dans la foulée, plusieurs partis (PS, MR, FDF) et associations (Cercle du libre examen, CCLJ, RésitanceS, UAE…) ont également dénoncé avec véhémence l’interruption forcée de ce débat. Les uns parlant « d’entrave à la liberté d’expression » ou «d’événement indigne d’une des plus grandes universités du pays » ; les autres de « censure », voire de «méthodes fascisantes ».
Rappelez-vous : c'était dans le Soir du 9 février 2012. La veille, un groupe de militant/e/s avait interrompu la conférence de Caroline Fourest pour dénoncer son « islamophobie », aux cris du désormais célèbre « Burqa bla bla ». Branle-bas de combat sur la planète ulb-iste mais pas seulement : des Cartes blanches ou rouges indignées et parfois assassines ont flingué un « chahut » quo'n pouvait trouver stupide et contreproductif (c'est ce que j'en pense), mais dont on a du mal à repérer, un an plus tard, la menace pour la civilisation.
Ce 24 avril 2013, on pouvait donc s'attendre à un nouvel appel à la défense de nos libertés menacées, après qu'un groupe de Femen soient intervenues à leur manière, donc seins nus, dans un débat sur le blasphème (« Offense ou liberté d'expression ? ») en aspergeant l'archevêque Léonard d' « eau bénite » pour dénoncer son « homophobie » (1), avant d'être virées manu militari (2). Et puis... non. Les médias se contentent de se faire l'écho de l' « événement » (à supposer que c'en soit un), et Guy Haarscher, qui n'avait pas eu de mots assez durs pour vilipender l'action des "burquistes", se contente de déplorer la « violence contre un vieil homme », et fait remarquer, à juste titre, que « cela lui a immédiatement attiré la sympathie d’un auditoire qui ne lui était pas vraiment favorable… comme vous pouvez l’imaginer. Et bien, il s’est mis l’auditoire en poche ». Action contreproductive donc, tout comme l'autre (à mes yeux).
Mais comment se fait-il que les médias soient aussi « compréhensifs » cette fois, donnant aussi la parole aux Femen, sans les insulter ? Ces Femen qui, soit dit en passant, justifient leur geste par le fait que «Les propos discriminants (de M. Léonard) sur l’homosexualité ne doivent pas passer inaperçus ». C'est sûr que sans elles, personne n'aurait entendu parler des onctueux conseils de célibat de l'archevêque aux homosexuels (3).
Comment expliquer cette différence de traitement de la part des médias (et de nos défenseurs de la liberté d'expression) ? Cette dramatisation qui frôle le ridicule dans le premier cas, et cette indulgence proche de la complaisance dans le second ? Il est vrai que le débat du 23 n'a pas été interrompu, et que M. Léonard a pris les choses avec philosophie, ou plutôt avec foi. Caroline Fourest devrait peut-être s'entraîner à la prière.
Faut-il donc croire que notre société déteste ou méprise encore plus les musulmans que les femmes ? Je n'ose le croire.
(1) Je mets des guillemets à « homophobie » comme à « islamophobie », pour mieux mettre ces deux événements en parallèle. Mais je n'ai aucun doute sur l'homophobie de M. Léonard, et de la hiérarchie de l'Eglise en général (comme d'ailleurs de beaucoup de représentants d'autres religions, bouddhisme compris)
(2) Certaines photos sont assez cocasses, où l'on voit des messieurs d'un certain âge faire le coup de poing contre de jeunes femmes dévêtues
(3) Comme je le disais au Forum de Midi sur la Première, je n'ai pas envie de m'embarquer dans une critique acerbe des Femen car je pense que le féminisme a d'autres adversaires, plus coriaces. Mais en gros, je me sens assez proche de ce qu'en écrit Mona Chollet
Mis à jour (Mercredi, 24 Avril 2013 14:15)