JUSQU'A 122 ANS

JUSQU'A 122 ANS

 

Assise devant la fenêtre

Elle regarde passer le temps

Jusqu'à 122 ans peut-être

Pour le record de Jeanne Calmant

 

Elle ne veut plus de leurs piqûres

Ni du coiffeur ni du kiné

Chacun de ces gestes qui n'est

Qu'une illusion pour qu'elle dure

Elle ne dit rien ça les embête

Elle parle aux rideaux au plafond

C'est pas qu'elle perde la tête

Les murs lui parlent elle leur répond

 

Assise devant la fenêtre

Elle effeuille les saisons

Jusqu'à 122 ans peut-être

A la dernière floraison

 

Elle ne veut plus de leurs visites

De leurs sourires endimanchés

Les visages vers elle penchés

Elle ne sait plus qui les habite

Dans l'eau glacée de sa mémoire

Ne surnagent que des fantômes

Un air de musique de foire

La saveur d'un baba au rhum

 

Assise devant la fenêtre

Elle écoute tomber les heures

Jusqu'à 122 ans peut-être

Tourner les aiguilles du malheur

 

Elle ne veut pas jouer aux cartes

Ni manger ce bout de gâteau

Elle reste seule ça la regarde

Qu'on lui dise pas qu'il est trop tôt

Elle voudrait quitter cette chambre

S'en aller courir dans les bois

Qu'il suffise d'éteindre la lampe

Fermer la porte derrière soi

 

Assise devant la fenêtre

Elle regarde tomber les jours

Jusqu'à 122 ans peut-être

Peut-être même... pour toujours