Premier mai

Premier mai. Retour de la fête de l'arrêt de travail du premier mai. On y vend toujours des churros, des hamburgers, de la sangria, des espoirs et des illusions. On y discute avec passion, on se reconnaît, on s'embrasse, on prend les tracts tendus, on les plie, on les fourre dans une poche, on s'arrête aux stands, ou pas, entre un mojito et les photos de martyrs de causes plus ou moins perdues. La musique est tonitruante, on écoute d'une oreille distraite, on applaudit d'une main distraite, on remarque à peine l'importante présence policière, on ouvre les sacs, on écarte les manteaux, on s'est si bien habitué à vivre sous la menace niveau 3.

Je sens une tendresse infinie pour ces femmes, ces hommes, qui auront passé une partie de la nuit, après une harassante journée de travail, à rédiger des journaux qui seront vendus à dix exemplaires par des militants aux yeux brillants, les rédacteurs eux-mêmes peut-être, et probablement même pas lus. Des journaux pleins de tous ces mots tellement prévisibles, capitalisme, mobilisations, traîtres, à bas, plus jamais, Palestine vaincra.

Il n'y a là aucune moquerie. Car ensuite, je rentre par le métro, entourée d'un tas de gens pour qui ce premier mai est juste un jour de congé comme un autre, des gens sans histoire, sans mémoire, pour qui les conquis sont de simples acquis, sur lesquels ils ne sentent même pas peser l'autre menace, celle dont aucun militaire ne les protégera. Des gens qui ne lèvent jamais la tête de leurs vies quotidiennes, elles-mêmes si difficiles peut-être, et qui foncent donc, tête baissée, vers des jours plus difficiles encore. Un premier mai que je vous souhaite d'espérance même si moi, il me serre un peu le coeur.