Colloque : Les identités LGBT+ noires à l'épreuve des dominations

« Les identités LGBT+ noires à l'épreuve des dominations » : ce n'est peut-être pas l'intitulé de colloque le plus « sexy » de l'année mais le contenu, lui, fut passionnant.

Il n'est évidemment pas question pour moi de parler à la place des premier/e/s concerné/e/s, je me contenterai donc de répercuter, avec ma propre subjectivité, ce qui m'a frappée au cours des présentations et des échanges.

Tout d'abord, la place prépondérante des femmes, parmi les intervenant/e/s comme dans la salle, chose rare dans les colloques LGBT+ (comme dans tant d'autres). A cet égard, il y a bien des organisateurs de débats qui pourraient venir suivre des formations chez Massimadi ou aux Identités du Baobab.

Ce choix s'est bien sûr répercuté tout au long des interventions : pour une fois, on n'a pas parlé au « masculin universel ». Et la façon dont les femmes sont invisibilisées dans certains combats a été soulignée à plus d'une reprise. Ainsi, Frieda Ekotto a rappelé que le mouvement « Black lives matter » (« Les vies noires comptent »), en protestation contre les meurtres (impunis) de jeunes  Noirs par des policiers blancs aux Etats-Unis, a été créé par des femmes noires, dont l'une se déclare ouvertement lesbienne. Mais très vite, la parole a été confisquée par des hommes. "Ainsi, le patriarcat aussi bien noir que blanc continue à usurper leurs voix"...

Georges-Louis Tin a fait le lien entre la manière dont les Noir/e/s ont été (et sont parfois toujours) dévirilisés dans les stérotypes (néo)coloniaux (faire le parallèle avec les gays...), considérés comme efféminés - tout en étant parfois présentés comme des « bêtes de sexe », allez comprendre. Toujours dans les stéréotypes, l'homme noir était considéré comme « polygame » - par opposition au Blanc qui lui, est fidèle, comme tout le monde sait.

Mais il n'y a pas que le colonalisme à se complaire dans les stéréotypes. Dans bien de pays d'Afrique, l'homosexualité est considérée comme venant des Blancs – alors que ce que ceux-ci ont importé, c'est l'homophobie, notamment par le biais des religions : comme le rappelait malicieusement l'orateur, Bible ou Coran ne sont pas des créations africaines. Cela dit, avec un grand respect pour les croyances des autres, il précise qu'il ne leur demande pas d'approuver l'homosexualité, mais de désapprouver l'homophobie.

Cette illusion que l'homosexualité n'était pas un problème africain a causé des retards dramatiques dans la lutte contre le sida, tout comme dans certains pays occidentaux (comme la France), où l'obsession d' « universalité » et le refus de tout « communatarisme » a conduit les autorités à des campagnes d'affichage représentant... des couples blancs hétérosexuels (seuls dignes représentants de l'universel). Il a fallu le travail des associations pour organiser des réactions plus efficaces en s'adressant à tous les publics.

Parmi les questions de la salle, a été abordée l'évolution du Parti des Indigènes de la République. G-L Tin tenait à souligner l'apport de ce mouvement dans la dénonciation du néo-colonialisme, tout en regrettant une évolution vers une forme d'homophobie. Une participante dans la salle signalait qu'elle avait assisté à des remarques ouvertement homophobes lors de la Marche de la dignité contre les violences policières (Paris, octobre 2015).

Tout au long de cette matinée, on a beaucoup parlé de convergence des luttes, une question centrale pour tout/e militant/e qui pense qu'on ne peut pas combattre une domination en ignorant toutes les autres. Thème d'ailleurs lié à celui des « identités », objet de l'atelier auquel j'ai participé (1). Identité/s : au singulier ou au pluriel ? Figée/e ou nomade/s ? Choisie/e pour soi ou imposée/s de l'extérieur, la définition des dominé/e/s étant l'affaire des dominant/e/s ? Et lorsqu'il s'agit d'action, les identités multiples sont-elles un frein ou un moteur ? Je laisse la (les) réponse(s) à chacun/e.

 

La matinée se terminait par un très beau texte de la slameuse Lisette Lombé, texte inspiré par la rencontre d'un jeune gay au Congo. De lui elle n'avait pas de photo, juste une image de ses chaussures, dont elle distribuait une copie à chaque participant/e, avec au dos un mot différent pour chacun/e. Mon exemplaire portait le mot « éveil ». Voilà qui résume assez bien mon vécu de ce colloque.


(1) Les deux autres ateliers, sans doute tout aussi intéressants, portaient l'un sur l'homonationalisme et l'autre sur "les techniques de soi"

 

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Le colloque était organisé ce 4 mai par les Identités du Baobab, dans le cadre de la 4e édition du Festival Massimadi, avec l'appui du Parlement francophone de Bruxellois. La publication des actes du colloque est prévue.

 « Le propos de ce colloque est les identités noires LGBT+  sous l'angle des dominations auxquelles elles sont confrontées? Pour les personnes LGBT+ noires, il s'agit non seulement de pouvoir s'affirmer dans la multiplicité  de leurs identités (LGBT+ noires...mais aussi de genre, d'âge, de classes sociales ou même en situation de handicap, etc.) sans se voir réduit.es à l'une de ces identités ou assigné.es à se comporter selon les stéréotypes ou les normes dominantes de chacune de ces identités ».
Intervenants  : Frieda Ekotto (professeure et cheffe du département des érudes afro-américaines à l'Université de Michigan), Louis-Georges Tin (président du Conseil représentatif des asscoaitions noires en France et fondateur de la Journée mondiale contre l'homophobie et la transphobie) et Peggy Pierrot (sociologue, journaliste, auteure et éditrice).

Le festival Massimadi continue jusque samedi, détails ici : http://www.massimadi-bxl.be/fr/