DES femmes !!

 

(voix de la radio) : « ... En ce 8 mars nous vos proposons, à l’occasion de la Journée de la Femme...

— (en chœur) : DES FEMMES ! La Journée DES femmes !

— Oh, on s’excite bien fort ce soir. Qu’est-ce qui se passe ?

— Il se passe qu’on ne supporte plus, et particulièrement aujourd’hui, d’entendre parler de « LA femme », comme s’il s’agissait d’un modèle unique, une espèce de marque déposée...

— ... Même si on la met sur un piédestal...

— Surtout quand on la met sur un piédestal ! Avec une majuscule, c’est encore pire ! La Femme est ceci, La Femme est cela... Même la fête plutôt sympathique organisée à Schaerbeek s’intitulait « Nuit de la femme ». Pour celles qui ne comprendraient pas la différence, il suffit de faire le parallèle avec « le Juif » ou « l’Arabe »... le « prototype » est rarement cité avec sympathie !

— « La femme est l’avenir de l’homme », ça vous gêne aussi ?

— Je suis mon propre avenir, et ça me suffit amplement !

— Il n’y a que DES femmes, multiples, plurielles, imparfaites, pas d’accord entre elles... vivantes, quoi !

— Pas d’accord entre elles, tu peux le dire. À Paris, pour la journée de la... euh, des femmes, il y avait deux manifs, qui se tiraient plus ou moins la gueule : d’un côté Ni putes ni soumises avec le Planning familial, de l’autre le Collectif national pour les droits des femmes.... Le premier reprochant au second une coupable indulgence pour les intégristes religieux...

— J’avoue que, moi aussi, je suis troublée de voir des filles voilées défiler pour les droits et l’autonomie des femmes... Mais vu de Belgique, après l’affaire de Naïma Amzil [1], j’ai du mal à considérer que c’est le problème principal... Et puis, tant qu’à parler d’obscurantisme, j’ai trouvé qu’on a été bien discrètes quand le pape, dans son dernier livre, a rapproché avortement et Holocauste [2]. Les organisations juives ont réagi avec véhémence. Et les féministes ?

— Les féministes, on en parle surtout quand elles se bagarrent... ou quand on les tabasse, comme en Turquie. Pour le reste, silence radio...

— La presse a beaucoup parlé de ces deux défilés, c’est vrai, c’est un problème réel, moi je crois que les mouvements ont tendance à éclater quand ils commencent à manquer de perspectives... Mais ce qui me gêne le plus, là-dedans, c’est que du coup, on a un peu oublié les luttes de femmes ailleurs dans le monde. Partout elles se sont mobilisées, contre les attaques à l’acide au Bengladesh, les crimes d’honneur au Pakistan, le harcèlement sexuel en Chine... Sans oublier les pays touchés par le tsunami, qui a eu des effets particulièrement ravageurs sur les femmes : conditions d’accouchement désastreuses, multiplication des viols et abus...

— Le 8 mars, c’était aussi le lancement de la Marche mondiale des Femmes, partie de Sao Paulo au Brésil pour arriver en octobre à Ouagadougou au Burkina Faso après avoir traversé 53 pays. C’est cela qui compte. On peut dire que LA femme est en marche... mais sur des millions de pieds !

[1] Rappel pour l’Histoire, Naïma Amzil est cette employée portant le foulard que son employeur était sommé de licencier, avec menaces de mort à la clé. Quand à la septième lettre de menaces, elle présentait sa démission, toute la Belgique semblait se mobiliser derrière elle... y compris le Vlaams Belang !

[2] Dans Mémoire et identité. Déjà en 1991, en Pologne, il avait déclaré que « le cimetière des victimes de la cruauté de notre siècle s’est étendu pour inclure encore un nouveau et vaste cimetière, celui de l’enfant non-né ».

Mis à jour (Mardi, 06 Mars 2012 21:31)