Mangez du pauvre !

Vous me connaissez (ou pas) : les enfants, c'est pas vraiment mon truc. Mettez-moi un chaton dans les bras, montrez-moi un éléphanteau, je suis capable des pires gnangnanteries. Mais un bébé humain, rien. Au mieux, je souris poliment, pour ne pas vexer mes amies. Au pire, je m'enfuis.

Mais bon, ça fait des années et des siècles que j'entends pleurnicher sur nos sociétés vieillissantes, en panne de jeunesse et d'imagination, et d'ailleurs qui paiera nos pensions ? Je pensais donc que la procréation était une sorte de devoir, un peu chiant mais bénéfique à la collectivité, comme le tri sélectif ou l'obligation d'éteindre les lampes en quittant une pièce.

Alors, quand j'entends le bon Freddy Thielemans (1), qui semble encore avoir toute sa tête avant sa dixième bière, proposer une discussion franche sur la possibilité d'un contrôle des naissances, je m'interroge. Pour éviter qu'on puisse le taxer de racisme, il a pris soin de préciser qu'il ne visait pas les familles musulmanes, mais aussi juives et même chrétiennes. Ouf, les athées pourront se mutliplier en paix. Croire ou croître, il faudra choisir (pardon, je n'ai pas pu m'en empêcher).

Certes, on peut discuter de tout, je déteste les tabous. D'ailleurs on parle aussi de justice fiscale, c'est dire si en période électorale, on n'a pas peur de rêver. Mais enfin, dans un pays où la vente de cannes va bientôt dépasser celle des biberons, une forte natalité me paraîtrait plutôt une bonne nouvelle. En ce qui concerne Bruxelles, d'où a surgi le débat, la volonté politique affirmée était d'attirer des jeunes ménages. Ben, les jeunes ménages, ça fait des enfants, c'est hormonal et statistique.

Les autres partis ont aussitôt qualifié cette idée de stupide, et encore, c'est gentil. Mais pusique le sujet était sur la table, il ne pouvait laisser complètement indifférent Vincent-le-Magnifique (entendez De Wolf) (2). Parce qu'aussi stupide qu'elle soit, l'idée fait parler d'elle, donc également de son auteur, et l'essentiel, en période électorale, c'est qu'on cite votre nom.

Donc, Vincent De Wolf se prononce contre tout contrôle mais suggère, par contre, une dégressivité des allocations familiales. Autrement dit : plus vous avez d'enfants, moins vous recevez d'argent. Comme moyen de lutte contre la pauvreté, problème criant à Bruxelles, il y a mieux.

Mais voilà, justement, la question est bien là : il ne s'agit pas d'une offensive contre les enfants, mais contre les pauvres. On ne demandera pas à un Bernard Arnault de prouver son intégration belge en limitant le nombre de petits héritiers LVMH. Et son logement pourrait certainement abriter en tout confort une famille nombreuse.

Mais ceux qui ont l'outrecuidance de demander un logement social, voilà la cible de ces nouvelles propositions ! Ceux qui voudront aussi non seulement des crèches – incapables qu'ils sont de se payer une nounou – non seulement des écoles, mais en plus, qui sait, des écoles de qualité ! Et plus tard encore, qui sait, des emplois, au lieu de créer leur propre start-up ou de devenir actionnaires ! Voilà le problème – et qui dit problème dit aussi solution.

Alors, plutôt que de limiter les naissances ou les allocations familiales, discutons donc – pusiqu'on peut discuter de tout – de l'intéressante idée avancée en 1729 déjà par Jonathan Swift, l'heureux papa de Gulliver : « Humble proposition pour empêcher les enfants des pauvres en Irlande d’être à la charge de leurs parents ou de leur pays et pour les rendre utiles au public » (3). Comme on dit : c'est bon pour l'économie, c'est bon pour l'emploi... et c'est bon pour la santé par le rire.

(1) Bourgmestre de Bruxelles

(2) Bourgmestre d'Etterbeek

(3) http://fr.wikipedia.org/wiki/Humble_Proposition

Mis à jour (Mercredi, 03 Octobre 2012 14:10)