Faut-il sauver (à tout prix) le soldat Assange ?

 

Voilà un débat intéressant : Julian Assange, fondateur de Wikileaks, étiqueté "wanted" par les Etats-pour avoir mis en lumière quelques sales petits secrets du Pentagone, a trouvé refuge à l'ambassade d'Equateur à Londres. S'il arrive à passer entre les mailles du filet que la Grande-Bretagne a tissé autour de lui, il ne sera pas extradé. Joie des anti-impérialistes : et toc pour le méchant loup étazunien.

Seulement voilà : Assange n'est - officiellement - pas retenu pour les audaces de Wikileaks, mais pour des frasques beaucoup moins glorieuses, à savoir deux accusations de viol qui lui pendent au nez en Suède. C'est à Stockholm qu'il devait être extradé – sachant que Stockholm aurait pu n'être qu'une étape vers les prisons américaines.

N'empêche : des accusations de viol, ce n'est pas rien. On a beau dire que la Suède est particulièrement sévère dans sa définition de viol (il suffit d'une incapacité à consentir, parce qu'on dort ou qu'on est trop ivre, rendez-vous compte !), on a beau suggérer que les accusatrices ne sont peut-être que les vilaines créatures accomplissant le sale boulot au profit de l'impérialisme – si Assange s'échappe vers l'Equateur, on ne saura jamais la vérité. Du moins la vérité judiciaire.

Alors, faut-il sauver le soldat Assange et passer les éventuels viols par pertes et profits ? S'agit-il d'un beau pied de nez anti-impérialiste ou plus banalement, d'une manifestation de plus de solidarité mâle ?

Supposons un instant qu'un soir de beuverie, le même Assange ait tabassé un gay qui lui faisait des avances dans un parc ou que, pour un motif plus ou moins futile, il s'en soit pris à un Noir (Juif-Maghrébin-Rom, biffez la mention inutile), le soulagement de nos anti-impérialistes aurait-il été le même ? Le soutien de l'Equateur, d'ailleurs, aurait-il été aussi enthousiaste ?

La question mérite au moins d'être posée. Que ce soit clair : je n'ai pas plus envie que la plupart de mes ami/e/s de voir Assange croupir durant de longues années derrière les barreaux pour « espionnage », l'autre nom de crime de lèse-majesté US. Mais je suis mal à l'aise avec la satisfaction sans nuances de le voir sauvé et dispensé de répondre aux l'accusations de viol.