Bienvenue en 2015, Année du Mouton

Un saut dans l'eau glacée : il n'y a rien de mieux, paraît-il, pour se remettre des excès d'un réveillon trop arrosé. Certains n'hésitent pas à se précipiter en maillot dans la Mer du Nord, je vous propose de plonger, sans bouée de sauvetage, dans l'actualité glaciale de ce début 2015.

En Belgique, on le sait, des dizaines de milliers de chômeur/se/s vont perdre leurs allocations dès le 1er janvier, puis d'autres dans les mois et les années à venir. Les médias, qui n'avaient pas de mots assez durs pour fustiger manifestant/e/s et grévistes syndicaux en lutte contre des mesures mortifères, s'inquiètent soudain des « drames sociaux » à venir et se demandent si finalement, cette politique « TINA » (« There Is No Alternative ») est bien raisonnable. Oui, même la Libre, le Soir, même RTL, se demandent si les « sacrifices » imposés à la population sont vraiment équilibrés. Faut dire que la presse « mainstream », tout comme les autorités européennes, ont le feu aux fesses (si vous me permettez l'expression) en observant la montée de Syriza en Grèce ou Podemos en Espagne. La montée de l'extrême-droite un peu partout en Europe, y compris dans des pays en bonne santé économique, semble moins les inquiéter, comme on peut le constater dans le compte-rendu des angoisses de la Banque Centrale européenne.

Faisons un petit tour au-delà d enos frontières. «Un bébé sans-abri meurt d'un arrêt cardiaque à Lille » : on l'imagine sans peine, cette actualité dramatique fait la Une de la presse française. Ben, à vrai dire... non. Parce que le bébé qui a perdu la vie dans les bras de sa mère, qui mendiait dans le hall où la température atteignait à peine les 5°, c'était une petite fille rom. Et on se demande ce qui est plus révoltant : qu'une pettie fille de trois mois soit morte dans ces conditions ou qu'on puisse lire, sans s'étrangler, l'expression « bébé sans abri ».

Allez, lorgnons plutôt du côté de la Suède, ce pays sinon exemplaire, du moins plus avancé en matière d'égalité, d'accueil des demandeurs d'asile et de cordon sanitaire, qui a réussi à éviter une grave crise politique provoquée par l'extrême-droite car oui, là-bas aussi la peste se répand. Un péril bien réel quand on lit ceci : « Suède : une troisième mosquée attaquée en huit jours ». Hélas, l'islamophobie ne perd pas le Nord.

2014 a été l'année de tous les records : l'année la plus chaude enregistrée en Belgique, l'année la plus meurtrière en Syrie, et on ne vous parle même pas des succès des Diables Rouges ou de David Goffin en tennis. ... En fait si, on vous en parle, peut-être même un peu trop. On ne sait pas si leurs brillants parcours se poursuivront cette année, mais pour ce qui est de la Syrie et du climat, on peut raisonnablement s'attendre à d'autres records.

Quoi de mieux qu'un peu de culture pour se remettre de nos frayeurs ? Dans le monde francophone, l'un des « événements » de ce début d'année sera la sortie de « Soumission », un roman qui imagine la France sous le règne de la charia en 2022. Non, ce n'est ni du Zemmour, ni du Destexhe, c'est du Houllebecq. L'histoire, telle que résumée par le Point, qui s'enthousiasme, bien sûr : « Au printemps 2022, François Hollande achève son second mandat. Bien qu'il l'ait gagné cinq ans plus tôt contre Marine Le Pen, il est déconsidéré, honni, détesté, et ne parvient pas à empêcher la montée en puissance de la Fraternité musulmane, qui, sous la férule du charismatique, intelligent et cultivé Mohamed Ben Abbès, rallie de plus en plus de suffrages. Le second tour de la présidentielle oppose ce nouveau venu à la candidate du FN. Les partis traditionnels de gouvernement (UMP, PS, UDI) se rallient à ce "visage présentable de l'islam". Et le tour est joué... Les femmes sont interdites d'emplois publics, permettant ainsi l'embauche de centaines de milliers d'hommes et une baisse spectaculaire du chômage, elles ne peuvent plus porter la robe ou la jupe dans les lieux publics, les professeurs de faculté doivent se convertir au terme d'un processus qui ne prend que quelques heures. (...) Pour l'auteur, notre société avachie dans le confort émollient de la démocratie et biberonné à un État providence qui pourvoit à tout glissera presque naturellement vers cette charia douce ».

Alors là, les gars, c'est totalement invraisemblable : imaginer un seul instant une réélection de François Hollande en 2017 relève du degré zéro d'analyse politique. Mais on peut imaginer sans peine, mais non sans crainte, le succès d'un tel bouquin...

Voilà, bienvenue en 2015 ! Dans le calendrier chinois, c'est l'année du Mouton. Sans vouloir froisser les amis des animaux (ni des Chinois), j'ose tout de même nous souhaiter de refuser toute ressemblance avec ce sympathique quadrupède, fournisseur de nos pulls et de nos méchouis, mais guère réputé pour sa combativité. Dans le monde de 2015, il nous faudra être Tout Autre Chose, Hart boven Hard, en tout cas !

Mis à jour (Vendredi, 02 Janvier 2015 11:10)