"Non à la GPA, oui à l'individualisation des droits"

« Non à la GPA, oui à l'individualisation des droits sociaux » : l'intitulé de cette « revendication », aujourd'hui simple groupe sur Facebook, un jour peut-être panneau dans la « Belgian Pride », peut paraître bizarre à certain/e/s. Quel rapport ? se demandent-ils/elles. Pourquoi faire le lien entre deux sujets en apparence éloignés l'un de l'autre, en excluant donc les personnes qui ne sont d'accord qu'avec l'un de ces deux points ?

Je vais donc brièvement m'en expliquer.

La GPA, c'est la « gestation pour autrui », terme technocratique et en apparence neutre pour une réalité plus triviale : les mères porteuses. Alors bien sûr, on peut nous servir les histoires émouvantes d'une soeur, d'une amie, ou simplement d'une femme sans lien avec le couple gay souhaitant devenir parents qui va, par générosité ou pour d'autres motifs qui lui appartiennent, accepter de porter un enfant qu'elle n'élèvera pas. Et je ne doute pas que cela existe. Mais je ne doute pas non plus que ce soit très minoritaire face à une autre réalité, bien plus sordide, celle de couples gays riches (ou en tout cas aisés) payant des femmes dans la misère (ou en tout cas plus pauvres) pour remplir un « contrat » purement commercial.

Je connais les arguments : puisque la PMA est possible pour les lesbiennes, la GPA doit l'être pour les gays. Objection : une grossesse n'est pas l'équivalent d'un don de sperme (essayez, messieurs, vous verrez). Autre argument : le même danger existe pour l'adoption, faut-il l'interdire pour autant ? Certes, pour l'adoption, il s'agit d'encadrer strictement, mais il reste une grosse différence entre l'adoption et la GPA : la première concerne des enfants qui sont déjà là et qui peuvent espérer une vie meilleure (même si on peut penser que leur vie serait encore meilleure dans leur environnement d'origine, si les inégalités sociales et géographiques n'étaient pas ce qu'elles sont) ; tandis que la GPA crée de nouveaux enfants ex nihilo. Ce n'est pas pareil.

Pour ce qui concerne les droits individuels, c'est une revendication déjà ancienne des mouvements féministes, parfois soutenue par certains partis politiques, mais assez mollement pour que le thème n'arrive jamais sur la table des négociations. Il s'agit d'une part de supprimer, immédiatement, le statut de « cohabitant », les droits sociaux ne devant pas dépendre de la (ou des) personne(s) (ou de l'absence de personne) avec laquelle (ou lesquelles) on vit. L'existence de ce statut est particulièrement nocive pour les personnes les plus précarisées, leur interdisant une solidarité qui pourrait améliorer leur vie (en partageant un logement, par exemple) ou les obligeant à « tricher » pour ne pas être privées de (maigres) allocations.

A plus long terme et progressivement, il s'agirait de supprimer les droits dérivés en sécurité sociale (branche maladie, pensions...). Il est plus difficile à expliquer comment ces pseudo « droits » piègent les femmes, mais pour qui veut comprendre, je recommande l'excellent recueil de textes "Un bon mari ou un bon salaire?" de Hedwige Peemans Poullet, aux éditions de l'Université des Femmes.

Mais cela ne résout pas la question de départ : pourquoi accoler ces deux sujets ?

Parce que l'idée de ce groupe est partie de la présentation de la prochaine Belgian Pride, le 18 mai à Bruxelles. Les « familles mises à l'honneur », et qu'y trouve-t-on ? En point 3, « La gestation pour autrui : Les futurs parents ayant actuellement recours à une mère porteuse et les femmes désireuses de porter un enfant pour autrui n’ont aujourd’hui aucun cadre légal dans lequel ils/elles peuvent inscrire leur démarche. L’absence de loi expose toutes les parties à des risques multiples et importants, notamment ceux liés à l’arbitraire de l’une d’entre elles, en méconnaissance totale des droits de l’enfant. Les autorités fédérales doivent encadrer légalement les recours à la gestation pour autrui afin de garantir et de protéger toutes les personnes impliquées, particulièrement les enfants issus de cette démarche ». Comme si toute discussion était déjà close et le point de vue entériné.

Et que n'y trouve-t-on pas ? Toute allusion aux droits individuels, qui vont évidemment à l'encontre de cette célébration de la « famille », fût-elle atypique. Lorsque le mariage était revendiqué par le mouvement homosexuel, on entendait dire que, une fois qu'il serait obtenu, les droits individuels seraient mis en avant. J'étais déjà sceptique à l'époque, mais voici : c'était il y a dix ans, et le sujet semble avoir complètement disparu du côté des LGBTQI (j'espère que je n'oublie personne) organisé/e/s (mais surtout du côté des LG).

Le voilà donc, le lien : deux sujets importants pour les féministes (même si toujours en débat dans certains courants) et évacuésdu débat par le mouvement homosexuel, soit en étant ignoré, sit en paraissant tranché. Pour rappel : les féministes ont largement soutenu les revendications des gays et des lesbiennes (c'est moins évident pour les trans), on l'a encore vu dans la récente bataille française autour du « mariage pour tous ». On aimerait que la réciproque existe parfois aussi.

Mis à jour (Dimanche, 12 Mai 2013 13:40)