Ni fleur, ni couronne

Ce matin, en te réveillant, tu m'as souhaité une bonne fête. A moins que tu l'aies fait la veille car cette année, le 8 mars tombe un samedi, et le samedi, tu as foot. Tu t'es glissé dehors et en même temps que les croissants, tu es passé chercher une rose. Une rose rouge. C'est à peine si tu n'as pas suggéré aux enfants de me fabriquer un collier de nouilles, fût-ce en forme de sigle féministe (si tu ne le connais pas, Google te l'offre d'un simple clic). Parce que dans ton esprit, le 8 mars, c'est une sorte de croisement de la Saint-Valentin et de la fête des mères. La « fête de la femme » (1).

Sans vouloir te froisser, je vais remballer ta rose – allez, tu pourras me l'offrir demain, si tu m'aimes toujours. Comme l'ont si bien dit des copines féministes espagnoles, « le 8 mars, ne m'offre pas de fleurs, lève-toi et bats-toi avec moi ! » Je ne veux pas être « célébrée », ni mise sur un piédestal, ni entendre des compliments, ni recevoir de cadeaux : je veux juste que tu prennes mon combat au sérieux et que tu me rejoignes, en respectant mes priorités et mes stratégies à moi, dans toute leur diversité. Et que tu ne confondes pas mes manifs avec un défilé de mode (2).

 

Je ne veux pas de fleur, mais je ne veux pas non plus de couronne. Ni celle de reine d'un jour : je ne veux pas prendre le pouvoir sur toi, je veux juste avoir plus de pouvoir sur ma propre vie. Je ne veux pas que tu me vénères, juste que tu me respectes. Je ne veux pas d'hommages sur ma beauté, ou ma douceur, ou toutes ces qualités éternelles qui ont surtout servi à m'enfermer. Je suis juste comme toi, une citoyenne et une personne qui veut faire ses propres choix, sans que tu me fasses la leçon (3).

Je ne veux pas non plus d'une couronne d'épine, celle de « la » femme souffrante, la femme sacrifiée, celle qui se laisse mourir pour sauver sa progéniture (et te sauver toi, en passant). Et je ne veux pas non plus qu'à l'inverse, tu me voies en éternelle victime n'attendant que toi pour la sauver. Je suis forte et je me débrouille très bien, pourvu que tu ne me lies pas les mains (et si tu me les lies, on sera nombreuses à mes côtés pour m'en libérer).

Voilà, on est le 8 mars, et si tu m'aimes vraiment, si tu nous aimes vraiment, je te le dis : ni fleur ni couronne ; juste égalité et respect.

 

 

(1) Comme le fait par exemple Elio Di Rupo en souhaiatnt une « bonne fête » à l'occasion de la « journée de la femme ».

(2) Comme le fait par exemple la Libre Belgique en publiant 10 portaits de femmes de conviction, dans la rubrique... « lifestyle ».

(3) Certains se reconnaîtront peut-être, mais ce n'est pas sûr : ils connaissent tellement meixu que nous les chemins de notre liberté...

Mis à jour (Samedi, 08 Mars 2014 18:09)