Frite suspendue

Le concept vient d'Italie, plus précisément de Naples. Il est très simple : vous entrez dans un bistrot, vous commandez deux cafés, vous n'en buvez qu'un et laissez l'autre « en attente ». En attente d'une personne qui ne peut pas se le payer, et à qui vous l'offrez donc sans la connaître.

L'idée n'est pas neuve puisqu'il paraît que la coutume date déjà d'il y a une centaine d'années. Elle était tombée en désuétude mais avec la pauvreté galopante, la voilà qui reprend du service. D'autres pays s'en inspirent : à Sofia, capitale bulgare, quelques 150 cafés la pratiquent déjà. Voilà qu'elle essaime aussi chez nous.

Mais la Belgique ne pouvait transposer une telle initiative sans innover : voici donc la « frite suspendue ». A Ixelles, puis à Liège, des friteries proposent d'acheter, en plus de son propre paquet, un deuxième sous forme de bon qu'on peut remettre à un/e « démuni/e » de son choix. Celui/celle-ci n'a plus qu'à aller chercher sa barquette, la sauce est offerte.

La presse relaie les initiatives, une page Facebook s'en fait l'écho, on imagine un logo identifiant les commerces qui participnt à l'action... Certains s'y rallient par conviction, d'autres y verront certainement un moyen de pub à bon compte ou une manière de faire grimper le chiffre d'affaires, car c'est le/la cliente qui paie.

Mais supposons que tout cela ne parte que d'une bonne intention, ce qui est sans doute le cas pour beaucoup. Faisons remarquer en passant que dans le même temps où ce système de « solidarité » est donné en exemple, le Fonds Européen d’Aide aux plus Démunis (FEAD) est réduit de 30%, alors même que la pauvreté galope. Souvenons-nous des différentes mesures pour pénaliser la misère – mendicité restreinte à certains créneaux horaires (Liège) ou certains endroits, limitée en nombre (Etterbeek) ou carrément interdite (projet à Gand). On peut s'en indigner, certes, mais en attendant la révolution qui supprimera la pauvreté et votera la frite libre et gratuite pour tou/te/s, il y a des gens qui ont froid et qui crèvent la dalle. Et que le café en attente et la frite suspendue peuvent aider à tenir.

Et pourtant... Quitte à passer pour une veille râleuse (que je suis), il y a au moins deux points qui me chipotent.

 

Mis à jour (Samedi, 13 Avril 2013 16:28)

 

Zizi chez les Gaulois

 

Au hasard d'une invitation à un concert, un ami a découvert une association qui avait jusque là échappé à son attention (tout comme à la mienne). Curieux de nature et mal intentionné par choix, il s'est donc penché sur les entrailles du « Cercle Royal Gaulois Artistique et Littéraire », plus connu sous le nom de « Cercle Gaulois ». Après avoir posé un premier diagnostic sur ce magnifique rassemblement de coqs à crête dorée, il m'a charitablement offert quelques outils pour mieux leur voler dans les plumes.

Et quelles plumes ! Du vicomte par-ci, du chevalier par-là, de l'ex-recteur, bourgmestre, ministre d'Etat, et même un ex-président de la République française ! (Non, pas Sarkozy, imaginez qu'il lui prenne la fantaisie de lancer, dans ces couloirs dédiés à l'Art et aux Lettres, un « Casse-toi pauvre coq ! » qui salirait les lambris à tout jamais ! Non, il s'agit de Giscard d'Estaing, qui sait tenir sa langue et ses couverts à poisson).

Donc, voici la composition du Cercle Gaulois, telle qu'on peut la trouver sur son site :

Un président d'honneur.

Sept membres d'honneur.

Cinq membres du comité de direction.

Dix membres du conseil d'administration.

Dix membres d'une mystérieurse « commission de ballottage ».

Deux commissaires.

Sept conseillers.

Un directeur.

Une composition qui pèse son poids de testostérone : 100% d'hommes. Quoique, en y regardant de plus près... ah si, deux femmes ! L'une s'occupe du secrétariat, l'autre de la comptabilité. Et alors que ces messieurs ont tous droit à leur photo, ces dames sont représentées... par un logo.

 

Mis à jour (Samedi, 06 Avril 2013 13:46)

 

L'index des salarié/e/s dans l'oeil des expert/e/s

C'est Philippe Lamberts, député européen Ecolo et ennemi n° 1 du monde la finance (ce qui me le rend immédiatement sympathique), qui le dit dans un entretien à la RTBF « Moi, ma position sur l'indexation - et là je vais en parler comme ancien employé du secteur privé - j'ai bénéficié de l'indexation automatique des salaires à IBM alors que j'étais cadre, très franchement au début de ma carrière, ça m'a aidé, à la fin, je n'en ai pas besoin. Et donc je ne serais pas opposé au fait qu'on ait une forme de dégressivité de l'indexation ».

A quoi le PTB répond (sur Facebook), sous la plume de Raoul Hedebouw : « L'index n'est pas là pour réorganiser la répartition de la richesse mais pour assurer un maintien du pouvoir d'achat. Si M. Lamberts veut assurer que les hauts salaires contribuent plus, qu'il le fasse par la fiscalité en réintroduisant des tranches d'imposition plus élevées. Mais pas par une dégressivité de l'index. Pour rappel, les hauts salaires indexés paient des cotisations sociales plus importantes à l'ensemble de la sécu ».

Débat intéressant, au sein même de la gauche. Faut-il moderniser, améliorer, perfectionner le système d'indexation, ou au contraire, le considérer comme « intouchable » ?

 

Mis à jour (Mercredi, 27 Mars 2013 17:32)

 

La poutre et le foulard

Dénoncer la paille dans l'oeil du voisin tout en ignorant la poutre dans son propre oeil : l'image a été tellement galvaudée qu'on hésite à s'en servir. Pourtant, plus j'entends des laïques s'en prendre aux religions parce qu'elles ne respectent pas l'égalité entre hommes et femmes, plus je vois des poutres arriver à toute vitesse dans mon champ de vision.

Non pas que je me fasse la moindre illusion sur les religions en matière d'égalité : sans même parler de toutes les formes d'intégrisme, il se fait que même pour les monothéistesles plus modérés, si Dieu a créé séparément l'homme et la femme, ce n'est pas seulement pour permettre bien plus tard l'invention de l'électricité avec ses prises mâle et femelle. Il existerait bien une « différence » fondamentale, qui détermine un destin biologique et des rôles sociaux : cela reste pour moi le point aveugle de mes débats avec les croyant/e/s, aussi égalitaires qu'ils et elles soient. Les religions,ne tolèrent guère l'ambiguité, le franchissement des frontières, l'entre-deux, ou simplement l'autodétermination de qui on est, quel rôle on a envie de jouer et quelle place on occupe dans la société. Pour ne rien dire du mépris ou de la peur des femmes qui transparaissent dès qu'on creuse un peu (1).

La paille dans l'oeil des religions est donc bien présente, impossible de l'ignorer. Là où je m'insurge, c'est quand des laïques la montrent du doigt avec cet air de supériorité du paon qui se pavane en exhibant sa queue de beaux principes devant des pigeons qui en paraissent d'autant plus gris.

J'y pensais encore ce dimanche de Pâques (2) en entendant Pierre Galand, président du Centre d'Action Laïque, se dire déçu que la fumée blanche annonçant l'élection du nouveau pape n'ait pas révélé le visage d'une femme. Un « bon mot » que personne sur le plateau n'a songé à relever. Car si en effet, le chef des catholiques ne sera pas du « deuxième sexe », qu'on me rappelle donc le nom de la dernière présidente du CAL ? C'est simple : il n'y en a pas. Pas une seule. Et si Pierre Galand et les siens n'ont guère d'influence sur le choix du pape, des rabbins, des imams ou du dalaï-lama, ils en ont sur leur propre organisation. Ils pourraient s'imposer  l'alternance ou une co-présidence à la Ecolo pour mieux marquer leur détermination. On attend toujours. 

 

Mis à jour (Jeudi, 04 Avril 2013 06:33)

 

Si les faits divers prenaient la couleur de l'actualité sociale...

Fait divers : une vieille dame sauve son caddie et sa vie

Hier matin, une dame âgée qui rentrait chez elle après avoir fait ses courses a été agressée en pleine rue par un individu armé. Le malfrat s'est fait remettre l'argent que la malheureuse venait de retirer au Bancontact. La victime a eu le réflexe de donner immédiatement son portefeuille, tout en suppliant son agresseur de lui laisser le caddie, qui contenait des cadeaux pour ses petits-enfants et un sac de croquettes pour son chat. Le voleur a pris la fuite sans demander son reste. Plus tard, des passants ont aperçu sur les lieux de l'agression l'arme de l'assaillant et d'après certains, elle serait factice, ce que la police ne refuse de confirmer. Mais la vieille dame a eu la chance, grâce à sa bonne réaction, de sauver ses courses et surtout sa vie.

 

Voilà ce que m'inspire ce titre omniprésent ce matin dans les médias : « NLMK : 536 emplois sauvés ». Que ce soit la Libre, RTL ou la RTBF, le ton est le même : passer de 904 à 536 emplois, ce n'est pas un naufrage mais u sauvetage. Le verre à moitié plein plutôt qu'à moitié vide ?

On comprend, évidemment, que les travailleurs aient accepté un accord sous la menace d'un verre complètement vidé, comme on comprend que la vieille dame de l'histoire ait donné son argent, sous la menace d'une arme dont elle ne savait pas si elle était factice ou non. Mais c'est le titre qui pose problème, surtout quand on lit les « engagements » de la direction : pas de licenciements « secs », certes, mais la promesse que « la stratégie industrielle de développement des marchés de produits à haute valeur ajoutée sera poursuivie, que les coûts seront adaptés aux évolutions du marché européen et que la flexibilité de travail sera accrue » (La Libre Belgique, 27/3/2013).

C'est comme si notre vieille dame, sous la menace d'une arme peut-être factice, s'engageait à verser à son agresseur une partie de sa pension tous les mois. Mais elle a eu la vie sauve. Une bonne nouvelle donc.

 
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