Ecolo : Borgen, saison 4 ?

 

Moi, Isabelle Durant, je l'aime bien. C'est une personne chaleureuse, compétente, et je n'oublie pas qu'elle a été la seule parlementaire européenne à venir rencontrer les déléguées européennes de la Marche Mondiale des Femmes le 4 octobre dernier.

Et j'écris tout à fait de l'extérieur, sans connaître les tenants et les aboutissants, les calculs et les convictions qui ont amené, ce 19 octobre, l'assemblée d'Ecolo à choisir Philippe Lamberts comme tête de liste pour les prochaines élections européennes. C'est donc un avis tout à fait personnel (même si j'ai figuré sur les listes d'Ecolo il y a quatre ans, je n'ai jamais adhéré au parti et je m'en suis quelque peu éloignée depuis).

Malgré donc mon affection pour Isabelle et ma préférence pour des femmes en tête de liste, je comprends parfaitement le choix des militant/e/s d'Ecolo. Philippe Lamberts s'est battu sur un sujet pas très « sexy » (le secteur financier), et il l'a fait avec, notamment, une grande force de conviction. Je l'avais écrit lors de son passage à Matin Première : cela faisait du bien d'entendre autant de clarté et de détermination dans ce bain d'eau tiède que devient trop souvent le débat politique. Et puis, avoir été désigné comme « ennemi n°1 de la City » (centre financier de Londres) me le rend plus que sympathique.

Je comprends donc ce vote, parfaitement prévisible par ailleurs – j'ai du mal à comprendre que l'appareil d'Ecolo en ait paru surpris (il y a cinq ans, déjà, alors qu'il était un parfait inconnu, une seule voix séparait Philippe d'Isabelle). Et je regrette la décision d'Isabelle de refuser la deuxième place, pas seulement parce qu'elle donnait à Ecolo une chance d'avoir un deuxième mandat mais surtout parce que cela aurait pu être un signe d'une manière apaisée d'assurer la transmission, en douceur, sur une série d'autres dossiers (Isabelle étant probablement plus « généraliste » que Philippe).

Dans la 3e saison de ma série préférée, Birgit Nyborg, battue dans la lutte pour la présidence de son parti du Centre, n'accepte pas d'autre poste et s'en va créer son propre parti. Mais c'est sur la base d'un désaccord de fond (sur les politiques de l'immigration, tiens tiens). A moins que quelque chose ne m'échappe, il n'y a pas vraiment eu de rupture politique lors de l'assemblée d'Ecolo. Qu'on me détrompe, mais toujours vu de l'extérieur, il s'agissait bien d'une question de personnes. Bien sûr la décision d'Isabelle n'appartient qu'à elle, mais je la regrette pour le signal qu'elle donne, ou plutôt pour celui qu'elle loupe l'occasion de donner : il faut savoir passer la main, surtout quand la main qui se tend paraît tout à fait digne et tout à fait mûre pour prendre le relais. Certain/e/s disent qu'Ecolo s'est tiré une balle dans le pied ; peut-être, mais le doute subsiste pour moi pour savoir qui a appuyé sur la gâchette.

Mis à jour (Lundi, 21 Octobre 2013 10:12)

 

Liaisons dangereuses

 

Autrefois, j'étais laïque. D'une laïcité paisible, ouverte, joyeuse, carrément mécréante parfois, me moquant de dieu comme de tous ses saints, commettant une parodie des évangiles ou des chansons où je suggérais à Marie d'aller avorter à Amsterdam pour éviter à son futur môme de provoquer les catastrophes que l'on sait. J'étais juive, mais pas du tout casher. Et si je ne m'en prenais pas à l'islam, c'est tout simplement parce qu'il m'était totalement étranger.

Jamais je n'aurais pensé qu'un jour, je ferais de la lutte contre l'interdiction du foulard à l'école et au travail un des axes de mon militantisme. Certain/e/s diront que c'est parce que j'ai changé. Sans doute, un peu, mais je leur répondrai que c'est surtout le monde autour de moi qui a changé.

Autrefois, j'étais aussi syndicaliste. Pendant 25 ans, dans mon entreprise et bien au-delà, je me suis battue pour plus d'égalité, pour améliorer la situation d'abord des plus vulnérables, les intérimaires, les CDD, les temps partielles (je le mets exprès au féminin), et aussi ces jeunes « issu/e/s de l'immigration » - éternellement issu/e/s de l'immigration - et qui étaient cantonné/e/s dans des emplois de magasinier ou de caissière (là aussi, le masculin et le féminin sont volontaires), malgré leurs qualités personnelles et parfois même leurs diplômes. J'ai défendu autant que j'ai pu mes collègues qui risquaient de perdre leur emploi, quel qu'en soit le motif, ou au moins essayé d'adoucir une sanction inévitable. Dans mon entreprise, la question du foulard ne s'est jamais posée : seules les femmes de ménage le portaient et cela ne semblait gêner personne. J'ai dû intervenir juste une fois, alors qu'on préparait une fête et que le seul repas prévu pour le personnel était composé de charcuteries ; j'ai vu quelques-unes de ces femmes se nourrissant uniquement des cacahuètes, sans même protester. J'ai exigé de la direction d'aller chercher du fromage. C'est sans doute la première fois que j'ai été confrontée à la question religieuse, et je n'ai pas dû réfléchir pour faire un choix.

Tout cela ne s'est pas passé sans conflit, et lorsqu'un jeune intérimaire a été harcelé par des collègues à cause de homosexualité, dont il ne se cachait pas, nous avons eu un débat assez vif autour de la question de l'homophobie, pour leur faire comprendre qu'elle avait les mêmes racines, et était aussi inacceptable, que le racisme.


Mis à jour (Vendredi, 20 Septembre 2013 10:21)

 

Au macho-journalisme, le féminisme reconnaissant

 Mettons tout de suite les choses au point : le Panthéon, je m'en tape et c'est bien le dernier endroit où je songerais à apporter mes futures cendres. Certes, elles pourraient tenir d'agréables conversations sur les nouveaux misérables avec Victor Hugo, demander l'avis de Zola sur le mouvement des indignés ou encore faire le point sur l'éducation des filles avec Condorcet. Mais à côté de ceux-là, il y a trop de généraux, de cardinaux ou de sénateurs bien barbants à qui je n'aurais rien à dire, et allez savoir qui sera votre voisin de caveau.

 C'est dire si, au premier abord, une féminisation du Panthéon avait de quoi me laisser de glace. L'égalité dans le ridicule, c'est pas vraiment mon truc ; laissons ces panthéonades pompeuses et pompantes à la gente mâle, ou à sa partie qui semble si friande d'honneurs, y compris post mortem. Car il se fait que, sur les 73 bienheureux qui peuplent les lieux, il n'y a que deux femmes : l'inévitable Marie Curie et Sophie Berthelot qui, bien que scientifique elle-même, est là surtout pour ses « vertus conjugales » aux côtés de son illustre mari. Au fronton du Panthéon est inscrit « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante ». Qu'on ne me refasse pas ce cours de français qui consiste à dire que « homme » vient du latin « homo » qui ne signifie pas mâle (ni gay) mais « être humain », le masculin étant désigné par « vir ». Au Panthéon comme en bien d'autres lieux, « homme » signifie bien « être de sexe mâle excluant les femmes mais sans l'assumer ».

 Très friand de réparer des injustices qui ne coûtent rien (ne lui parlez pas de combler le fossé entre retraites masculines et féminines, hein), François Hollande s'était engagé, le 8 mars dernier, à nous féminiser un peu tout ça. Un collectif féministe a décidé de lui rappeler ces bonnes paroles par un rassemblement ce 26 août, date anniversaire d'un autre événement féministe de 1970, le dépôt de gerbe sur la tombe de « la femme du soldat inconnu » (« Il y a plus inconnu que le soldat inconnu, sa femme »).

 Le choix de la date m'a déjà paru bien sympathique, en un temps où, quand on se dit féministe, c'est en accolant immédiatement un « néo » ou un « post » à ce qualificatif infâmant, pour bien se démarquer de ces vieilles féministes ringardes, dépassées et poilues des années 1970. De jeunes féministes qui revendiquent au contraire cet héritage, moi je ne peux que « liker », comme on dit sur Facebook.

 Tout en me foutant du Panthéon, donc, j'ai éprouvé de la sympathie pour cette action qui entendait aussi attirer l'attention sur l'invisibilité des « grandes femmes » (comme celle de la femme du soldat inconnu). C'est un peu comme au festival de Cannes : j'ai beau trouver absurde la « compétition » en matière de culture, le fait qu'il y ait aussi peu de films de femmes retenus (aucun en 2012, un seul en 2013) me paraît refléter une vision du monde quelque peu borgne. Mettre en avant des femmes artistes, scientifiques, résistantes, c'est aussi une façon de passer aux filles le message que tous les possibles leur sont ouverts.

 Anticipant l'argument selon lequel il ne serait pas possible de trouver des femmes dignes de côtoyer tous ces grands hommes, le Collectif a pris soin de préparer sa liste : la révolutionnaire Olympe de Gouges, auteure de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, la philosophe Simone de Beauvoir, la résistante Germaine Tillion, la communarde Louise Michel et la mulâtresse Solitude, figure de la résistance des esclave noirs en Guadeloupe. Ce dernier choix étant un symbole dans le symbole : «On reproche souvent aux féministes d’être blanches et de mener un combat pour le monde occidental. Avec Solitude, on reconnaît tous les combat,s dont la lutte contre les esclavagistes», explique le Collectif dans Libération. Il s'est trouvé d'ailleurs des lecteurs pour contester immédiatement la pertinence de ce choix, estimant par exemple que « Olympe de Gouges, personne ne sait qui c'est », élevant leur propre inculture en critère de panthéonisation ; on suppose donc qu'ils savent tout des hauts faits d'autres habitants du lieu comme le général Hyacinthe-Hughes Timoléon de Cossé-Brissac ou le cardinal Giovanni Battista Caprara...

 Toute cette introduction (ben oui, ce n'était que l'introduction...) pour dire que j'étais contente à l'annonce que France Inter, dans une émission de grande écoute du matin, invitait la porte-parole de Osez le féminisme ! pour parler des luttes de femmes en général et du Panthéon en particulier, malgré mes réticences sur le sujet.

 Et paf ! Retenez le nom de cette immense journaliste, Clara Dupont-Monod, dont c'était la première prestation dans cette tranche horaire. Vous pouvez (ré)écouter et lire l'essentiel de ce moment hallucinant sur le blog de Marie Donzel, avec des commentaires ad hoc.

" La parité n'est-elle pas la porte ouverte à l'incompétence ? Les meilleurs féministes, aujourd'hui, ce ne seraient pas des hommes ? Mais les féministes ne détestent-elles pas les hommes ? Ah bon, leur objectif de n'est pas de les émasculer, on peut donc se détendre dans le studio ? Et ça alors, les féministes ont de l'humour, il faudrait envoyer une dépêche à l'AFP..." On ne sait pas si les hommes sont les « meilleurs féministes » mais on découvrait que des femmes peuvent être les pires des machos (1).

Avec un sang-froid exemplaire, Anne-Cécile Mailfert tentait de répondre rationnellement, mais on voit bien sur la vidéo que par moments elle se dit « mais c'est quoi, ça ? Je suis où ? A radio-macho ? » Jusqu'au bout, elle gardé un calme olympien – je dirais presque panthéonique. Mais, à la réflexion,elle aurait pu choisir la stratégie de l' « interview de rupture », sur le modèle des « procès de rupture » chers à Jacques Vergès. Marie Donzel lui fait quelques suggestions délicieuses ("Vous avez tort de vous détendre dans le studio. J'ai l'air cool comme ça, mais j'ai un sécateur planqué dans mon sac à main et dès la fin de l'émission, gare à tout ce qui dépasse. S'il y a des chatons dans le studio, je les castre gratis au passage").

 Mais au fait, pourquoi ce titre : « Au macho-journalisme, le féminisme reconnaissant » ? Parce que « reconnaissant » vient de « reconnaître » et que reconnaître ses ennemi/e/s est le début sinon de la sagesse, du moins de la riposte. Grâce à Clara Dupont-Monod, l'interview a beaucoup circulé sur le net et pourrait servir de base à une formation sur le féminisme dans les écoles de journalisme. On peut rêver...

 

(1) Le lendemain, Clara Dupont-Monod recevait le représentant d'une association de bénéficiaires du RSA (revenu de solidarité active) et lui posait questions « normales », pas dans le genre "ah bon, les chômeurs cherchent du travail, il faudrait envoyer une dépêche à l'AFP..". Il ne s'agit donc pas d'un « style » mais d'un antiféminisme primaire.

Mis à jour (Mercredi, 28 Août 2013 09:08)

 

Etre ou ne pas être... "différent"

Ce samedi 7 septembre, les Bruxellois/e/s étaient invité/e/s à débattre de leurs réalités et de leur avenir dans la « Brussel Summer University », cinq ans après les Etats Généraux de Bruxelles et un an avant la « mère de toutes les élections » de mai 2014.

Passons rapidement sur la question des langues, cette façon irritante de contourner le bilinguisme bruxellois par l'utilisation de l'anglais : ainsi la BSU s'enorgueillit aussi de la vitalité des « Brussels Studies » qui éclairent les grands enjeux de la région et de la « Brussels Academy », qui propose de nous offrir « more knowledge on Brussels ». Tout au long de la journée, y compris au cours des séances plénières, aucune traduction n'était prévue ; l'orateur passant du français au néerlandais, les « slides » défilaient en anglais, car il était sous-entendu que cette langue-là, au moins, était commune à tou/te/s. Ce qui indique déjà le public visé.

J'y étais, en tout cas le matin, et vous propose donc un regard d'une subjectivité assumée sur la session plénière ainsi que sur l'atelier intitulé : « Etre différent à Bruxelles: la diversité visible » (version officielle du programme) ou « Des foulards aux guichets ? » (version proposée par l'animateur, Henri Goldman).

 

Mis à jour (Dimanche, 08 Septembre 2013 13:42)

 

Fraude sociale : aux grands mots, les petites misères

En cette fin du mois d'août, la rentrée pointe déjà son grand nez et comme pour toute rentrée, on nous annonce de bonnes résolutions (qui ne sont jamais très loin des sales coups) : côté justice, rien de moins qu'une lutte impitoyable contre la pire des criminalités : entendez les « domiciliations fictives » destinées à obtenir une « majoration des allocations sociales » (selon les termes employés par la RTBF).

Une circulaire (provisoire) adressée au Collège des procureurs généraux met en avant cette priorité, prévoyant même un fonctionnaire par zone de police pour assurer le suivi des dossiers : haro sur la « fraude sociale », tir à vue sur les « domiciliés fictifs » et leurs « propriétaires complices » !

Voilà de bien grands mots pour de petites misères. Sans doute existe-t-il des fraudes sociales à grande échelle – les entreprises qui font travailler des ouvriers au noir, ou qui ne paient qu'une partie du salaire en clair, ou qui cherchent les contorsions les plus tordues pour échapper à l'impôt ou aux cotisations sociales, pour ne rien dire de cette autre plaie, la fraude fiscale. Mais la « fraude sociale » la plus courante, c'est celle de la petite débrouille, qui consiste à contourner la loi dans l'espoir d'échapper à la misère pour accéder à la pauvreté. Car il n'est pas question d'obtenir des « allocations majorées », prévues pour les personnes à charge, en majorité des enfants - et la fraude à l'"enfant fictif" n'est pas encore dans le collimateur ; non, il s'agit juste d'éviter des « allocations rabotées", trop maigres pour vivre décemment - ces allocations sont d'ailleurs souvent inférieures au seuil de pauvreté ! Et cela ne fera qu'empirer avec la nouvelle législation de dégressivité des allocations de chômage.

 

Mis à jour (Dimanche, 25 Août 2013 12:42)

 
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