Peine de mort volontaire ?

Soixante-cinq ans après la dernière exécution, vingt ans après la suppression de la peine de mort du Code Pénal, dix ans après son abolition définitive par l'article 14bis de la Constitution, la Belgique va-t-elle introduire une sorte de « peine de mort volontaire » ? Car c'est bien de cela qu'il s'agit dans le cas de Frank Van Den Bleeken, interné depuis 30 ans pour une série de viols et un meurtre, et qui devrait être euthanasié, comme il en a fait la demande il y a trois ans déjà. Il serait transféré dans un hôpital où il aurait 48 heures pour faire ses adieux à ses proches.

Se jugeant dangereux pour la société, il n'a jamais demandé à être libéré : seulement être soigné, ou alors mourir. Une prise en charge pour des personnes comme lui existe, au Canada ou aux Pays-Bas, mais pas en Belgique. Un bon millier d'internés traînent sans soins dans les annexes des prisons belges. D'autres sont plus qualifiés que moi pour parler des conditions de vie ou de mort lente dans ces lieux. En tout cas, à peine a-t-on appris qu'un médecin était prêt à euthanasier Frank Van Den Bleeken, quinze autres internés ont fait la même demande.

Mais comment peut-on accepter cela ? Comment peut-on tolérer cette forme de « peine de mort volontaire » ? Ne peut-on pas dire que Frank Van Den Bleeken a, en quelque sorte, passé trente ans dans une espèce de « couloir de la mort » ?

Qu'on me comprenne bien : je n'ai pas la moindre indulgence pour un violeur et un meurtrier. Le viol doit être sévèrement sanctionné et son auteur empêché de nuire, d'autant qu'il s'agit là d'un crime d'une extrême gravité pour la victime et souvent sujet à récidive. D'autant plus quand aucune prise en charge n'est prévue pour l'auteur.

Pas question non plus de remettre en cause la légalisation de l'euthanasie, telle qu'elle existe chez nous depuis 2002 (et depuis l'an dernier pour les mineurs). C'est tout à l'honneur de la Belgique, d'offrir la possibilité d'une « mort douce » à des personnes qui ne veulent plus supporter des souffrances inapaisables. Je pense même qu'il faudrait l'élargir au suicide assisté tel qu'il se pratique en Suisse. Chacun/e est juge du degré de souffrances jugées « supportables » pour soi-même, et cette défintion peut évidemment évoluer au cours de la vie et des circonstances. J'ai pu le constater chez des proches, et dans les deux sens, lorsque la question s'est vraiment posée.

Mais si l'euthanasie peut aider à mettre fin à des souffrances inapaisables, c'est autre chose pour des souffrances qu'on se refuse d'apaiser, alors que des moyens existent, et qu'on n'a même pas essayé. A moins donc de vouloir rétablir une nouvelle forme de peine de mort – la mort lente d'un enfermement sans soins, jusqu'à ce que l'euthanasie soit demandée – la situation de Frank Van Den Bleeken est un scandale. Si la légalisation d'une euthanasie choisie est un signe de civilisation, le refus de soins, que ce soit pour raisons d'économies ou par froide indifférence, est un signe de barbarie.

Mis à jour (Mercredi, 17 Septembre 2014 11:01)

 

Peut-on débattre de la prostitution ?

Le 21 août dernier, à l'occasion de la Fête des Solidarité à Namur, les Femmes Prévoyantes Socialistes organisaient un débat sur la prostitution. Oh, pas un des « grands débats » officiels de la Fête où l'on discutait sérieusement entre mecs (3 femmes sur 18 débattants, on se serait cru à Mise au Point période Maroy), non, une discussion assez confidentielle, dans la tente abritant le stand des FPS, entre musique du podium d'à côté et mixeur préparant les daiquiri (très bons par ailleurs).

La prostitution est un de ces sujets qui divise les féministes, ou plutôt, qui les déchire, provoquant trop souvent anathèmes, insultes, retraits de brevets de féminisme... Il est extrêmement difficile d'en parler avec un minimum de sérénité, ou simplement de respect mutuel, les unes accusant les autres de « putophobie » et de « complicité avec les curés » et les autres reprochant aux unes d'accepter, voire de favoriser, l' « esclavage sexuel » des femmes.

Il était donc assez courageux, de la part des FPS, d'inviter sur le même stand, à la même heure, deux représentantes de la position abolitionniste et une porte-parole d'un syndicat de travailleuses du sexe, dont la seule dénomination avait de quoi faire grimper aux murs les premières (1). Deux contre une, on peut regretter le déséquilibre, mais Morgane Merteuil était soutenue par un « fan club » qui n'a pas manqué de se faire entendre à partir de la salle : parfois par des interventions intéressantes, parfois dans le seul but d'« occuper la parole », parfois juste pour la couper aux autres. Sans oublier l'inévitable mec qui s'est senti porté par la mission de donner une bonne leçon de paternalisme « progressiste » (je précise que je ne dénie pas aux hommes le droit de s'exprimer, je regrette même qu'ils aient été aussi peu nombreux à ce débat ; à condition qu'ils parlent en leur nom, comme client ou refusant de l'être, comme compagnon, comme intervenant de terrain, comme chercheur...)

C'était d'autant plus courageux que les FPS ont une position abolionniste, même si ce courage ne sera reconnu par aucun des deux camps (chacun se demandant pourquoi on donne la parole à l'autre, qui inonderait déjà les médias...)

Le débat a-t-il eu lieu ? Pas vraiment.


Mis à jour (Vendredi, 05 Septembre 2014 11:41)

 

Entre deux feux

Ce mercredi 16 juillet, une série d'organisations appellent à un rassemblement de soutien au peuple palestinien. Un de plus, et pas le dernier, on peut le parier. Je ne pourrai y être, car à cette heure-là, je serai déjà loin – et vous savez quoi ? Je suis soulagée.

Non pas que j'aie le moindre doute sur la nécessité de manifester sa solidarité avec celles et ceux qui meurent à Gaza sous les bombes israéliennes - pour l'effiacité, c'est évidemment une autre question. Il faudrait être 100 000, 200 000 ... on ne le sera pas, et pas seulement pour cause de vacances.

Je suis soulagée de ne pas devoir décider parce que d'un côté, je trouve ce rassemblement juste, je dirais même élémentairement juste – mais d'un autre côté, je ne veux pas me retrouver en compagnie de gens qui vont crier « Mort aux Juifs », comme lors d'une récente manifestation parisienne, même si certains témoignages accusent les extrémistes de la Ligue de Défense Juive d'avoir « commencé » ou « provoqué » (mais merde, on n'est pas en cour de récré !) Je ne veux pas me retrouver, comme en janvier 2009, dans la même manif que des panneaux proclamant « Israël=nazis » ou « Gaza pire qu'Auschwitz ». Cela m'est insupportable (mais d'aucuns me diront, non sans raison, que le plus insupportable aujourd'hui sont les bombes sur la population de Gaza).

Oh, je sais, mes « hésitations » ne changeront rien au sort dramatique du peuple palestinien, elles me vaudront juste l'accusation de « traîtrise » ou de « haine de soi » de quelques contacts juifs et celle de « ne m'arrêter à rien pour disculper Israël » (selon les termes d'un contact Facebook qui vient de se désabonner de mon fil en annonçant ainsi son irritation). Je sais qu'il y a des circonstances où, entre l'oppresseur et l'opprimé, « il faut chosir son camp ». Mais je déteste cette idée, car une fois qu'on l'a choisi, c'est comme si on décidait d'être aveugle et sourd à tout ce qui vient d'en face. Quelques belles illustrations dans cet article de Rue 89.

 

Mis à jour (Mardi, 15 Juillet 2014 19:44)

 

De l'eau glacée, du goudron et des plumes

Au début, c'était juste ridicule, ces millionnaires qui se jetaient un seau d'eau glacée sur la tête avant de « nominer » trois de leurs pareils, les défiant de faire la même chose OU alors de verser un don pour la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique, aussi (mal) connue sous le nom de maladie de Charcot. Toute la stupidité étant déjà dans le « ou », les vedettes se filmant évidemment dans leur version trempée plutôt qu'à sec rédigeant leur chèque.

Le « ou » s'est ensuite tranformé en « et/ou », chacun/e se faisant un devoir de communiquer sur le fait que la douche froide ne dispensait pas du don. Ce n'en était pas moins pathétique de voir tous ces « ice bucket challenge » débarquer sur Facebook ou Youtube, repris par les télévisions, avec des vedettes de la chanson, du sport, de la politique ou de la finance n'hésitant pas à « se mouiller pour la bonne cause ». Se mouiller, sans blague ! Pour certains, on avait envie de dire : si tu veux soutenir la recherche, commence par payer tes impôts correctement. A d'autres : si le sort des malades te préoccupe vraiment, commence par développer le budget de la santé...


Mis à jour (Samedi, 30 Août 2014 14:12)

 

Voyage en Palestine

 

Du 28 octobre au 4 novembre 2011, j'ai participé à un voyage en Palestine. Savoir est une chose, voir, entendre, sentir en est une autre. Durant les semaines qui ont suivi mon retour, j'ai noté ce que j'ai vu, entendu, vécu. Aujourd'hui que la tension monte à nouveau dans la région, je republie les cinq épisodes de mon compte-rendu.

Je ne prétends pas à une quelconque objectivité, ni à apporter des réponses sur une réalité d'une grande complexité. Rien de plus qu'un témoignage d'une personne particulière, à un moment particulier.

 

1. Du Mur des Lamentations au Mur lamentable (Jérusalem-Bethleem-Qalqilya)

2. Réfugié/e/s pour la vie (Dheisheh, Aïda, Jénine)

3. La culture comme résistance (Aïda, Jenine)

4. Attention, colons méchants ! (Wadi Foukin, Jérusalem, Hébron, Archipel de Palestine)

5. En guise de conclusion...


Mis à jour (Vendredi, 04 Juillet 2014 08:10)

 
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