Lettre au Vif

Le 31 mars 2017

Le numéro 3430 du Vif, daté du 31 mars 2017, nous met en garde contre un péril qui vient : « Etes-vous, vous aussi, pollué par l'extrême-gauche ? » Si jamais le titre ne suffisait pas à faire trembler dans les chaumières, la couleur rouge, évoquant à la fois le feu et le sang, achève de suggérer la grand menace qui pèse sur notre petit pays si tranquille.

Et quoi, vous avez épuisé votre stock de couvertures alarmistes sur les menaces de l'islam ? Il vous fallait une nouvelle cible ? Les articles qui, parfois, atténuent l'impression de la couverture qui est faite pour vendre, pas pour réfléchir, ici ne valent guère mieux. Passons même sur le ridicule de votre « test », dont une série d'items pourraient être approuvés par n'importe quel vague « progressiste », y compris de tendance libérale ; à moins que vous considériez l'égalité hommes/femmes ou les droits des LGBT+ comme « révolutionnaires ». Les textes « de fond » ne valent guère mieux. Quel intérêt de savoir si le Cercle de Lorraine a peur ou non de la gauche radicale ? Sauf si l'on imagine un message « caché » à l'intention de celles et ceux qui, chez Ecolo ou au PS, seraient tentés de chercher des alliances : la montée du PTB, ça réjouit la droite, voyez la preuve... L'article qui prétend révéler « qui commande vraiment au PTB » n'est pas plus honnête : un vocabulaire toujours aussi alarmiste (Pestieau est « implacable », la discipline « rigoureuse », Hedebouw ne reconnaît pas des problèmes, il les « avoue »...) ; quant à ces membres du bureau politique qui « ne sont connus de personne », c'est risible quand on sait que Peter Mertens est une vedette en Flandre, qu'il apparaît plus que régulièrement dans le mensuel Solidaire et qu'il a été même l'invité de Bertrand Henne dans Matin Première. Quant à David Pestieau, il a participé à l'émission « A votre avis » sur la Une le dimanche 26 mars. Reconnaissez, ou « avouez », qu'il y a plus « clandestin ».

Bref, c'est tout le dossier où le frileux le dispute au grotesque. La proximité du 1er avril a pu faire penser à un poisson, mais c'est plutôt un hippopotame qui a débarqué aux devantures des librairies.

J'ai du mal à comprendre que des journalistes et des politologues « sérieux » aient pu se prêter à ce jeu. Quoique pour les politologues, certains ont pris leurs distances sur les réseaux sociaux, en tout cas par rapport à votre « test ».

Tout cela ressemble davantage à une leçon de propagande qu'à du journalisme.

Veuillez agréer mon indignation la plus motivée,

 

Irène Kaufer

 

 

Comme il me paraît important de savoir « d'où l'on parle », je précise que je suis une sympathisante du PTB, sans en être membre. Mais j'ai des ami/e/s écolos ou PS qui ont été tout aussi indigné/e/s que moi par la couverture et par votre « test » ridicule. Et je ne suis pas sûre que tou/te/s les sympathisant/e/s du MR soient ravis d'apprendre que soutenir le droit à l'avortement, l'égalité de salaire entre femmes et hommes ou les droits des minorités sexuelles, soient autant de signes de « contamination » par l'extrême-gauche...

 

NB : On peut voir le "test" ici

et la couverture

 

Mis à jour (Dimanche, 02 Avril 2017 09:37)

 

Neutralité, dress code et autre frivolités

 

Beaucoup de choses ont déjà été dites et écrites autour de la décision de la Cour de Justice européenne concernant la possibilité pour l'employeur d'introduire l'exigence de "neutralité" dans le règlement intérieur des entreprises privées (même si tout le monde sait qu'on parle en fait du droit de porter le foulard, donc du corps des femmes) : n'étant pas juriste, je reprends ci-dessous l'analyse d'Inès Wouters, avocate spécialisée dans ces sujets.
Par contre, en tant que militante féministe et (ex)syndicale, ainsi qu'en quelque sorte "spécialiste des mots", je me pose certaines questions que je n'ai pas retrouvées dans les (très nombreux) commentaires que j'ai pu lire ou entendre quant à cette décision. J'aimerais donc partager avec vous quelques réflexions.

Prenons par exemple ce terme de "neutralité", qui semble si peu questionné. Certes Inès Wouters souligne dans son texte la différence entre neutralité  "inclusive " et "exclusive", mais c'est le terme même qui me pose problème. En réalité personne n'est "neutre", par son origine, ses choix personnels, son vécu... On peut juste exiger de l'"impartialité", ce qui n'est pas la même chose. La "neutralité" serait une sorte d'effacement de ce qu'on est, l'impartialité, par contre, est un effort de dépassement.


Mis à jour (Jeudi, 16 Mars 2017 14:15)

 

Le FOREM qui cache la forêt

 

 

L'affiche représente une petite fille, bigoudis sur la tête et torchon à la main, avec ce slogan : « Osez réaliser vos rêves... Devenez auxiliaire de ménage ». Parue dans un journal local de Tournai, elle est tellement caricaturale que beaucoup ont cru à un gag.

Hélas, ce n'en est pas un, mais une annonce très sérieuse, estampillée par le FOREM, l'agence wallonne pour l'emploi.

Les réactions n'ont pas tardé, depuis les indignations sur le thème « vous savez qu'on est au XXIe siècle ? » jusqu'aux caricatures les plus sarcastiques, proposant des formations de djihadiste, de journaliste chez SudPresse ou pire... d'"auxiliaire" du FOREM (au service comm', qui en a bien besoin). Les médias les plus classiques se sont gaussés à leur tour, consacrant parfois même leur Une au sujet, honneur rare pour un sujet comme le sexisme (surtout quand il ne vient pas d'"ailleurs"...) A son tour, le FOREM a dû reconnaître une "maladresse" et présenter de piteuses excuses. Que voulez-vous, c'était les vacances, et ces jeunes créatifs en ont profité pour laisser gambader leur imagination...

Mais une fois que cette affiche a été dénoncée, on peut avoir l'impression d'avoir tout dit, et on n'a rien dit.

 

Mis à jour (Samedi, 14 Janvier 2017 10:03)

 

Nos indifférences

Bruxelles, Théâtre National, 11 février 2017

 

Lorsque le noir se fait, il faut quelques secondes aux spectateurs, quelques secondes de silence et d'obscurité, avant que les applaudissements n'éclatent.

C'est la dernière représentation, beaucoup sont venus là avec l'enthousiasme déjà bien affûté, après avoir lu les critiques, écouté des interviews ou simplement poussés par des injonctions amicales, vas-y, il ne faut pas rater ça, si tu ne dois voir qu'un seul spectacle cette saison, c'est celui-là.

Les ami/e/s et les critiques avaient raison : un texte très fort, dans sa forme circulaire, drôle et glaçant, où il est question d'un clochard dormant sur un carton sur le parking d'un supermarché, de manutentionnaires africains en grève, d'une vieille très cultivée et d'une voisine à l'esprit embrouillé, d'une prostituée qui applique la gratuité un jour par mois, comme dans les musées. Le comédien habite ses mots, soutenu par un accordéon parfois plaintif, et à d'autres moments plein de colère.

C'est aussi une histoire de solidarité et d'indifférence, la solidarité l'emportant tout de même en fin de harangue.La salle applaudit, debout.

Puis on remet son manteau et l'on sort dans la rue glaciale.

 

Mis à jour (Dimanche, 12 Février 2017 10:18)

 

Comment organiser un débat mixte ?

Vous avez l'intention d'organiser un débat, sur un de ces sujets qui concernent tout le monde, ou en tout cas une grande partie de la population, toutes catégories confondues : l'avenir de la planète, la réduction du temps de travail, la redistribution des richesses, la lutte contre les inégalités...

Bravo !

Vous partez donc à la recherche de personnes capables de défendre un point de vue sur le sujet, disons une « expertise » pour faire simple, que ce soient des universitaires, des activistes, ou les deux.

Bonne chasse !

Vous souhaitez présenter des analyses et des opinions sinon divergentes, du moins assez variées, ne serait-ce qu'à partir d'angles d'attaque différents, pour éviter que votre débat ne ronronne.

Super !

Bien entendu, vous vous classez parmi les « progressistes », avec le souci d'une égalité au niveau du droit à la parole (sinon, ne lisez pas plus loin, ce papier ne vous concerne pas).

Vous vous adressez donc à différentes organisations, tout aussi progressistes que vous, vous épluchez votre carnet d'adresse, vous allez voir du côté d'autres débats, vous y trouvez des noms de gens intéressants pour le vôtre... et voilà ! Votre tribune est prête.

Mais euh...

Vous constatez quand même une anomalie – ou souvent, vous ne la constatez pas, tellement c'est « naturel », mais on vous la fait constater : vos intervenants sont tous masculins. Caramba !

Alors peut-être que ça ne vous dérange en rien, selon l'argument classique « on regarde la compétence des gens, pas leur sexe ». Dans ce cas, continuez comme ça, et je vous souhaite beaucoup d'autosatisfaction unisexe, et inutile de lire plus loin.

Mais peut-être aussi que ça vous gêne quand même aux entournures, que l'argument de la « compétence » ne vous convainc pas tout à fait, à une époque où les filles réussisent mieux dans les études que les garçons, que les femmes sont très présentes dans les mouvements sociaux et que néanmoins, on ne les retrouve toujours pas aux tribunes des grands débats de société (ni à la télé). C'est qu'il y a là comme un petit problème... non ?

Dans ce dernier cas, voici des pistes pour vous, à partir de quelques arguments que vous aurez tendance à avancer pour votre défense, des contre-arguments et des suggestions sur la manière d'atteindre une certaine mixité (qui contrairement à ce que l'on croit, n'est pas un "donné" menacé de l'extérieur, mais une réalité à construire).

 

Mis à jour (Lundi, 07 Novembre 2016 17:36)

 
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