Ne dites plus "Pâques", dites... austérité

Donc, la grande affaire du jour, ce ne sont pas les pertes d'emploi qui se multiplient, ni les mesures d'austérité qui nous pendent au nez comme les glaçons de ce faux printemps, mais le changement de nom des congés scolaires, qui fait titrer à la Libre Belgique : « Noël et Pâques éjectés du calendrier scolaire ». Ciel ! Les forums s'emballent. Les commentaires les plus « recommandés par les internautes » de la Libre font d'ailleurs tous référence à la supposée claque donnée à « notre » culture chrétienne, si pas à la civilisation occidentale, pour faire plaisir à... à... suivez mon regard.

Si jamais ce débat fondamental vous a échappé, sachez donc que la semaine prochaine commenceront les « congés de printemps » (et non de Pâques), ce qui est en effet franchement ridicule, quand on constate la température qu'il fait dehors. Le congé de Toussaint deviendra d' « automne » (espérons qu'il sera plutôt d'été indien), ceux de Noël deviendront « d'hiver » et le Carnaval se tranformera en « congé de détente » - ce qui tient quand même un peu du pléonasme.

Mais trêve de plaisanterie, puisqu'on vous dit que la patrie est en danger, que le Sarrasin est à nos portes et que nos enfants risquent de perdre leurs derniers repères, après l'ouverture du mariage aux homos et l'arrivée du boeuf halal dans leur Quick !

Et si on se calmait un peu ? Parce que d'abord, ces congés, même rebaptisés, restent bien liés aux fêtes catholiques, alors que des dates fixes simplifieraient sans doute la vie de tout le monde. Même « de détente », le congé de carnaval débutera « le septième lundi avant le jour de Pâques ». Pas question de virer la religion, il s'agit juste d'apprendre la table de soustraction par sept.

Ensuite, ces fêtes sont-elles vraiment si chrétiennes que ça ? Le Carnaval, n'est-ce pas un peu païen ? Et Pâques, ça n'aurait pas été piqué aux Juifs ? Et Noël, ce ne serait pas avant tout une fête commerciale ? Remplacer le Te Deum par les Quatre Saisons, est-ce donc tellement contraire à « notre civilisation » ?

Bon, tant qu'à changer des noms et provoquer une ire hélas prévisible, lers politiques auraient pu faire preuve d'une véritable audace. Peut-on rappeler que le rapport final des Assises de l'Interculturalité  préconisait de vraies modifications en matière de jours fériés (et donc en adaptant aussi les congés scolaires en conséquence) : il proposait de garder le 1er janvier, le 1er mai, le 21 juillet et le 25 décembre ; de permettre à chacun/e de choisir deux jours de congés flottants, en fonction de ses croyances et sa cutlure ; et enfin, d'introduire trois jours fériés non religieux coïncidant avec des journées internationales se référant, justement, à nos sacro-saintes « valeurs", celles que nous prétendons défendre contre les envahisseurs de tout poil (mais surtout de poil caché ou de poil à barbe, si vous me suivez) : Journée internationale des femmes (8 mars), Journée internationale contre le racisme (21 mars) et Journée mondiale de la diversité culturelle (le 21 mai). A voir les réactions à des modifications purement cosmétiques, c'est évidemment mal barré.

Et pour en revenir à l'essentiel, il se pourrait que les nouvelles mesures d'économie nous soient annoncées dès ce vendredi, transformant ces vacances de Pâques, pour la postérité, en "congés d'austérité".