Electrabrol s'en va-t-en guerre (des prix)

Dans la série « Ce n'est pas parce qu'on n'a rien à dire qu'il faut s'en priver, y compris dans le poste », j'aie participé ce mercredi matin à l'émission Connexions (1), où les auditeurs sont appelés à donner leur avis sur les sujets les plus divers, de l'utilité des pneus neige à la paix au Moyen-Orient en passant par les mesures d'austérité ou l'avenir de l'Europe. Aujourd'hui, notre avis était sollicité concernant le coût de l'énergie.

Electrabrol promet une baisse de ses tarifs : serait-ce enfin le « juste prix » ? Telle était la question du jour. J'avais réagi sur la page Facebook de l'émission par ce message : « Toute cette concurrence ne profite en fait qu'aux personnes qui ont les moyens (de temps, de capital culturel...) de comparer et re-comparer et encore re-re-comparer. Donc plutôt aux personnes de niveau social élevé. Les autres, à moins de se regrouper, doivent se sentir plutôt dépassés. Même moi, quelquefois...» Ce qui m'a valu un coup de fil de la RTBF me proposant de participer en direct au débat.

Pour tout dire, je ne connais pas vraiment le sujet, jusque là je n'avais même jamais vraiment plongé dans les comparateurs de tarifs d'énergie. Mais comme je n'aime pas trop être prise en flagrant délit d'ignorance, surtout en public, j'ai passé la nuit à me préparer à cette grande intervention de 30 secondes. Bon, j'exagère, mais j'y ai quand même passé un bon quart d'heure.

C'est qu'il existe plusieurs comparateurs qu'il faut donc pouvoir... comparer. Et si chacun nous assure qu'il s'agit d'une procédure simple, facile et qui peut rapporter gros, je suis restée perplexe devant les renseignements demandés et les choix à faire. Mon compteur est-il bi-horaire ou plutôt monomaniaque ? Suis-je intéressée par un tarif semi-fixe ou semi-variable ? Dois-je tenir compte des offres temporaires et autres promos, souvent valablesà des conditions qu'il n'est possible de déchiffrer qu'à la loupe ? Quelle est la teneur en énergie verte compatible avec ma lointaine figuration sur les listes d'Ecolo ? Dois-je choisir un fournisseur différent pour le gaz et pour l'électricité, en multipliant le coût unitaire par le carré de ma consommation ? Et enfin, comment se fait-il que mes deux comparateurs (car j'ai abandonné au bout du deuxième) ne me donnent pas le même classement des offres intéressantes (2) ?

Et encore, dans cette jungle, je me considère plutôt comme une privilégiée.

Je me débrouille sans trop de mal avec Internet, ce qui n'est pas le cas de tout le monde.

J'ai aussi le temps, plus de temps que – par exemple – une mère de famille monoparentale, courant du boulot à la crèche sans oublier le ménage et qui a sans doute envie, quand elle dispose d'un peu de temps pour elle, de faire autre chose que de « comparer » (sport auquel elle doit déjà se livrer en faisant les courses).

Je maîtrise plutôt bien le français, à l'exception du langage administratif – mais quand même, c'est un avantage sur d'autres.

Enfin, je ne vis pas dans une précarité tellement insécurisante que tout changement est d'abord vécu comme une menace (3).

J'en conclus donc que, comme je l'avais pressneti intuitivement, piur faire des économies, il faut en avoir les moyens.

Entre parenthèses, je fais plutôt partie de ces "consommateurs paresseux" fustigés pour leur refus de remplir leur rôle de régulation des marchés. Je suis sûre que si je changeais de croquettes pour mon chat – ou même carrément si je changeais de chat – je pourrais faire suffisamment d'économies pour m'acheter un de ces trucs inutiles dont la publicité tente de me convaincre, à chaque coin de rue, qu'ils me sont indispensables.

Justement, cette histoire de « consommateur paresseux » me gonfle particulièrement. Car ce n'est pas au consomateur de réguler le prix d'un besoin aussi basique que l'énergie, c'est au pouvoir politique, à qui je donne sans rechigner mes votes et mes impôts pour que, entre autres, chacun/e puisse bénéficier de la lumière et de la chaleur à des prix accessibles, la sacro-sainte "rentabilité" dût-elle en souffrir (surtout quand elle se veut obèse).

Au fait, au moment où il annonce avec tambours et trompettes la baisse de ses tarifs, Electrabrol évoque des mesures de « réduction de coûts », entendez une restructuration du personnel prévue pour 2015. Ce sont donc les employés qui paieront pour les clients. Non mais sans blague, on ne va pas s'en prendre aux malheureux actionnaires !

Alors moi, pour tout vous dire, je vais garder mon founrisseur d'énergie préféré : la révolte contre les inégalités.

 

Post-scriptum : alors que j'achève ce texte, je lis dans la presse que « le Belge ne prépare pas sa deuxième vie » (4). Moi qui croyais qu'assurer une retraite décente aux citoyens était de la responsabilité de l'Etat ! Ben non. Tenez-le vous pour dit : si votre « deuxième vie » est encore plus merdique que la première, ce ne sera pas la conséquence des politiques d'austérité, mais de votre propre imprévoyance.

 

(1) Sur la Première RTBF, du lundi au vendredi, 8h30

(2) Bizarrerie qu'a reconnue Jean-Philippe Ducart, représentant de Test-Achats, expliqunt que tous les comparateurs ne sont pas « actualisés ». Mais alors, comment savoir si celui qu'on consulte ne fournit pas des chiffres datant du néolithique ? Et s'il faut tenir compte de toutes ces actualisations, à quel rythme s'agit-il de re-comparer, pour être sûre de rester au courant (électrique) ?

(3) Merci à Chrsitine Mahy d'avoir attiré mon attention sur ce point

(4) http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=DMF20121212_00243589

Mis à jour (Mercredi, 12 Décembre 2012 18:46)