Skier en Israël

Bon, les ami/e/s autant vous l'annoncer tout de suite : cette année, je n'irai pas skier en Israël. Pas seulement parce que d'une part je ne skie pas, et que d'autre part au Mont Carmel, la neige est rare. Non, c'est pour de tout autres raisons, que je vous explique ci-après.

Donc, ce 1er novembre, au collège Ozar Hatorah à Toulouse, François Hollande assistait à une cérémonie d'hommage aux victimes de Mohamed Merah qui, le 19 mars dernier, a tué ici trois enfants et un adulte pour le seul motif qu'ils étaient juifs.

Jusque là, rien à redire, même si une cérémonie réunissant l'ensemble des proches de toutes les victimes, aurait sans doute été plus « républicaine ». Car dans son équipée meurtrière, Merah a aussi tué des militaires français, chrétiens et musulmans (et qui sait, peut-être même athées...)

Mais le vrai malaise venait du personnage qui accompagnait le président français : Benjamin Netanyahou, premier ministre israélien et candidat à sa propre succession lors des prochaines élections qui auront lieu dans moins de trois mois.



Que l'ambassadeur d'Israël ait été invité, passe encore : certaines vicitmes avaient la double nationalité. Mais le premier ministre... ? Que dirait-on si, à chaque crime raciste, les dirigeants turcs, marocains, congolais ou qui sait, qataris, se déplaçaient aux funérailles et étaient accueillis en grandes pompes ? Pas de raison que le Qatar se contente de racheter nos clubs de foot ou d'investir dans les banlieues françaises, dirait-on ; nos âmes aussi sont à vendre...

Mais ces photos de Natanhyahou aux côtés de Hollande, ces échanges d'amabilités et de serments d'amitié, voilà qui ne semblait choquer personne. Pas plus que la déclaration de Hollande, affrimant que « la sécurité des juifs est une cause nationale ». On aimerait penser que c'est la sécurité de tous le citoyens vivant en France qui est une cause nationale – et s'il y a une catégorie de population qui aurait particlièrement besoin de la portection de l'Etat, en ce moment, pour sortir un peu de la concurrrence de victimes entre juifs et musulmans – ce sont les Roms.

Mais revenons à Natanyahou. Il n'est pas seulement le premier ministre d'un pays certes dit « ami », mais qui néanmoins en occupe un autre, multiplie les colonies et rejette d'une pichenette les résolutions internationales, bref lui-même déjà, un personnage peu fréquentable ; mais en plus, il est aussi le chef d'un gouvernement qui compte dans ses rangs un certains Avigdor Lieberman, ministre des Affaires Etrangères et leader d'un parti d'extrême-droite, comme le qualifie l'hebdo français le Point (1), qu'on ne peut soupçonner de gauchisme. Et Netanyahou est tellement content de cette alliance qu'il l'a déjà reconduite pour la législature qui vient (et où sa victoire, hélas, ne faut aucun doute). Jérusalem ne sera pas Molenbeek : les alliances sont bétonnées.

Qui est donc ce M. Lieberman ? Pour l’historien israélien Zeev Sternhell, spécialiste des origines du fascisme en France, il est «le plus dangereux politicien de l’histoire d’Israël» (1), omparable à Mussolini . Ancien videur de boîte de nuit, il a milité au Likoud avant d'en claquer la porte parce qu'il s'opposait à toute négociation avec les Palestiniens - même aux négociations aussi light que celles admises par la droite israélienne. Mais c'était pour mieux revenir par la fenêtre avec son parti Israël Beiteinou.

Quelques propositions liebermanesques ? L'expulsion des Arabes d'Israël, l'interdiction pour leurs partis à se présenter aux élections, ou même l'exécution de députés arabes israéliens qu'il soupçonne de connivence avec le Hamas ; les déplacements de populations pour arriver à des Etats « ethniqueent homogènes » - ce qui n'importe où ailleurs s'appellerait "épuration ethnique" et serait passible, dans nos contrées civilisées, de poursuites judiciaire. Ce charmant personnage a d'ailleurs affaire à la justice de son propre pays, pour fraude et blanchiment d'argent. Des journaux locaux, comme Haaretz, n'hésitent pas à lui attrribuer une forme de « fascisme rampant ». Et en Israël, on ne plaisante pas avec le terme « fascisme ».

Voilà l'allié chéri, présent et à venir, de l'homme que François Hollande a reçu avec tous les honneurs. Alors, je vous le demande : peut-on d'une main taper sur Marine Le Pen et de l'autre, faire des papouilles publiques à l'allié affirmé d'un leader d'extrême-droite ? Il aurait été mille fois plus digne pour Hollande d'inviter Latifa ibn Ziaten, la mère d'un des soldats victimes de Merah, qui a créé en souvenir de son fils une association "pour la jeunesse et pour la paix" (3).

On s'est un peu moqué (moi y compris) de Louis Michel lorsqu'en 2000, ministre des Affaires Etrangères, il avait recommandé aux Belges de ne pas aller skier en Autriche, où le gouvernement venait de s'ouvrir au parti d'extrême-droite de Jörg Haider. Des classes de neige avaient même été annulées. L'Europe avait haussé le ton, avant de se résigner. Depuis, bien des flocons ont glissé sur les Alpes et Jörg Haider est mort.

Mais, douze ans plus tard, Louis Michel et ses déclarations matamoresques paraissent presque sympathiques ou même... courageuses, à côté du comportement de François Hollande et des leaders occidentaux en général. Aujourd'hui, il ne se trouve personne pour recommander à ses concitoyens de ne pas aller skier en Israël. Ou ne pas aller bronzer. Ou ne pas acheter certains produits issus des colonies. Au contraire, dès que le mot « boycott » est agité, les bons esprits s'indignent.

Je n'aime pas toutes ces thèses complotistes qui voient partout la main du sionisme et qui attribuent à Israël tous les maux de la terre, et je sais que je risque de donner des munitions à des gens qui ne sont pas mes ami/e/s, dissimulant un antisémitisme bien réel derrière un antisionisme de bon aloi. Mais je dois bien le constater : quand il s'agit d'Israël, même l'idée d'un « cordon sanitaire » fond... comme neige au soleil.

 

(1) http://www.lepoint.fr/actualites-monde/2009-03-04/israel-le-leader-d-extreme-droite-lieberman-bien-place-pour/924/0/322448

(2) Article du mensuel « Regards » repris sur le site http://www.resistances.be/israel14.htm On peut lire aussi son portrait dans la Libre, http://www.lalibre.be/actu/international/article/480590/le-sacre-d-ivet-le-terrible.html

(3) http://www.liberation.fr/societe/2012/10/14/latifa-ibn-ziaten-imad-in-memoriam_853169


 

 


Mis à jour (Dimanche, 04 Novembre 2012 15:21)