Peut-on aller voir le dernier Polanski ?
Je n'irai pas voir le Dreyfus de Polanski.
Si j'étais propriétaire d'un cinéma, je ne le programmerais pas non plus (ou peut-être dans le cadre d'un cinéclub centré, par exemple, sur la question de la culpabilité/innocence).
Sachant à quoi s'expose une femme qui dénonce une agression sexuelle, comprenant pourquoi si peu le font, je crois jusqu'à preuve du contraire les accusatrices du cinéaste, d'autant qu'il a déjà été condamné pour des faits similaires.
Et je déteste la façon dont Polanski réagit à ces accusations, et plus encore peut-être les arguments de ceux et celles qui le soutiennent.
Et j'estime qu'une prise de conscience de la gravité des violences sexuelles subies par les femmes et les enfants est encore loin d'être acquise et pourtant absolument nécessaire.
Et malgré tout, je ne voudrais pas être assimilée à ces voix, pourtant souvent amies, qui réclament une interdiction du film ou qui traitent de "complices des violeurs" celles et ceux qui iront le voir.
Autant des "hommages" d'institutions me paraissent indécentes (car même s'ils s'adressent au(x) film(s), c'est bien l'homme qui les reçoit), autant le rapport qu'on a avec une oeuvre reste pour moi une affaire strictement individuelle. On a le droit de boycotter ou d'appeler au boycott, on a le droit de ne pas programmer ni promouvoir, mais vouloir "interdire" les oeuvres d'auteurs.trices qui ont par ailleurs commis des crimes, ou défendu des positions racistes, antisémites, misogynes, homo/transphobes, colonialistes (etc, et ça fait un paquet), cela signifie (se) priver d'une bonne partie de la culture.
Alors oui, il faut contextualiser, informer, il ne s'agit pas de "séparer l'homme/la femme de l'artiste", juste se rendre compte que le film, le roman, la pièce, le tableau, la musique d'une crapule peut nous émouvoir ou même nous grandir, ce qui ne diminue en rien sa crapulerie - je dirais même "au contraire". Mais je maintiens que le rapport à l'oeuvre artistique est avant tout un rapport de soi à soi.
Voilà, fin de mon intermède sérieux et même un peu pompeux, je le crains....