Des lapins libèrent une autre parole
Du droit des chasseurs à importuner les lapins (par un collectif de lapins)
toute ressemblance avec une tribune défendant le "droit d'importuner (les femmes)" est tout à fait volontaire. Ce texte reprend des pans entiers (comme dans "pan dans le mille") du texte d'origine, changeant juste quelques mots ici ou là.
Le meurtre est un crime. Mais la chasse n'est pas un délit, ni une agression spéciste.
A la suite d'images bien sordides, a eu lieu une légitime prise de conscience de la maltraitance des animaux, notamment dans les abattoirs où des humains abusent de leur pouvoir. Elle était nécessaire. Mais cette libération de la parole se retourne aujourd'hui en son contraire : on ne peut plus tirer son coup tranquille sans être aussitôt accusé d'attentat contre la nature ! Or c'est le propre du totalitarisme que d'emprunter, au nom d’un prétendu bien général, les arguments de la protection des espèces menacées pour mieux les enchaîner à un statut d'éternelles victimes, de pauvres petites choses sous l'emprise de chasseurs démons, comme au bon vieux temps de la sorcellerie. Cette justice expéditive a déjà ses victimes, des hommes sanctionnés dans l’exercice de leur métier, contraints à la démission, etc., alors qu’ils n’ont eu pour seul tort que d’avoir visé un lapin, pêché une truite ou simplement salivé devant la photo d'une tranche de foie gras ! Cette fièvre à envoyer les « porcs » à l’abattoir, loin d’aider les animaux à s’autonomiser, sert en réalité les intérêts des ennemis de la liberté alimentaire, des extrémistes religieux, des pires réactionnaires et de ceux qui estiment, au nom d’une conception substantielle du bien et de la morale victorienne qui va avec, que les animaux sont des êtres « à part », des bêtes à visage humain, réclamant d’être protégées. En face, les chasseurs et autres bouchers sont sommés de battre leur coulpe et de dénicher, au fin fond de leur conscience rétrospective, un « comportement déplacé » qu’ils auraient pu avoir voici dix, vingt, ou trente ans, et dont ils devraient se repentir. La confession publique, l’incursion de procureurs autoproclamés dans la sphère privée, voilà qui installe comme un climat de société totalitaire.
La vague purificatoire ne semble connaître aucune limite. En réaction, nous défendons une liberté d'importuner, de tirer dans le tas et d'abattre sans sommation, indispensables à la liberté alimentaire. Nous sommes aujourd’hui suffisamment avertis pour admettre que la pulsion nourricière est par nature offensive et sauvage. Surtout, nous sommes conscients que l'animal n’est pas monolithe : un lapin peut, dans la même journée, courir dans les champs et se reproduire dans l'allégresse, et le soir aimer mijoter dans la bière ou la moutarde avec délectation. Il peut adorer les caresses sur les oreilles mais ne pas se sentir traumatisé si on lui tord le cou ; il peut même l'envisager comme l'expression d'un appétit insatisfait, voir un non-événement.
En tant que lapins, nous ne nous reconnaissons pas dans ce véganisme qui, au-delà de la dénonciation des abus de pouvoir, prend le visage d’une haine des humains et de la gastronomie. Nous considérons qu’il faut savoir répondre à cette liberté d'importuner autrement qu’en s’enfermant dans le rôle de la proie. Pour ceux d'entre nous qui ont choisi d'avoir des enfants, nous estimons qu’il est plus judicieux d’élever nos lapinous de sorte qu’ils soient suffisamment informés et conscients pour pouvoir vivre pleinement leur vie sans se laisser intimider ni culpabiliser. Les accidents qui peuvent toucher le corps d'un lapin n’atteignent pas nécessairement sa dignité et ne doivent pas, si durs soient-ils parfois, nécessairement faire de lui une victime perpétuelle. Car nous ne sommes pas réductibles à notre corps. Notre liberté intérieure est inviolable. Et cette liberté que nous chérissons ne va pas sans risques ni sans responsabilités.
Mis à jour (Jeudi, 11 Janvier 2018 15:56)