Faut-il interdire Zemmour ?
Ecrivain, journaliste, chroniqueur dans plusieurs médias, dynamiteur de tabous : voilà comment est présenté Eric Zemmour par ceux qui l'ont invité à parler en Belgique, en janvier prochain, devant des salles probablement pleines.
Sexiste, raciste, homophobe et en plus menteur, balançant des chiffres fantaisistes (mais pas innocents) : voilà comment il apparaît lorsqu'on prend la peine de lire ses écrits ou l'écouter lors de débats. La « peine » est le terme juste, aussi bien dans le sens de « pénibilité » que de « tristesse» : ce type est insupportable de suffisance, d'arrogance et de bêtise. Et pourtant, on ne cesse de l'inviter.
Une conseillère communale Ecolo, Zoubida Jellab, a demandé au bourgmestre de Bruxelles d'interdire sa venue, ce qu'Yvan Mayeur a refusé.
Faut-il interdire à Zemmour de répandre son venin en Belgique ?
Une interdiction est rarement une bonne chose (1). Zemmour en martyr de la liberté d'expression, ce serait le comble pour ce type qui, bien que viré de i-Télé pour avoir poussé le bouchon trop loin, garde tout de même son poste de chroniqueur dans trois médias, sans compter les invitations qui lui sont faites dans un tas d'émissions, sous prétexte que c'est un « bon client ». Et son dernier livre trône en bonne place dans les librairies, ainsi que sur les listes des meilleures ventes, tout cela étant évidemment lié.
Parler de « censure » est donc grotesque lorsque des citoyen/ne/s, sans réclamer l'interdiction de sa venue, s'indignent que la librairie bruxelloise Filigranes déroule le tapis rouge à ce personnage pour une séance de dédicace le 6 janvier prochain (2). Et devant l'obstination de l'enseigne, lui signalent qu'elle ne devra plus les compter parmi ses client/e/s (3).
Zemmour est un obsédé du « déclin français », dû (dans le désordre) aux femmes (surtout les féministes), les immigrés (surtout les musulmans), les homos (surtout ceux qui prétendent se marier ou pire, diriger la mairie de Paris). Pour étayer sa démonstration, il n'hésite pas à manipuler les chiffres, comme l'a très bien décrypté le journal télévisé de France 2.
Dans une chronique rageuse pour la Revue Nouvelle, François Gemenne écrit qu' « on a donc organisé en Belgique la tournée promotionnelle d’un facho ». Le soutien moral dont a bénéficié Zemmour de la part de (entre autres) Daniel Cohn-Bendit ou Michel Onfray reste assez incompréhensible, à moins qu'il s'agisse de la bonne vieille solidarité entre mâles blancs. Ou de l'illustration de la fameuse phrase attribuée à Voltaire, « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire ». Citation qui par ailleurs serait fausse, mais à vrai dire, Zemmour pourrait sans trop de contorsions se réclamer de Voltaire, dont la part d'ombre misogyne, raciste et antisémite est trop souvent passée sous silence..
Mais je vous entends déjà d'ici : au moins, as-tu lu le dernier opus zemmourien ?
Non, je n'ai pas lu le « Suicide français », et je n'ai pas l'intention de le lire, même pas dans la version piratée (et gratuite) malicieusement postée par un internaute pour permettre à chacun/e de se faire une idée, sans contribuer à grossir le portefeuille de son auteur... Non, il y a tant de livres intéressants, merveilleux, émouvants ou instructifs que je n'aurai pas l'occasion de lire, pour ne pas perdre mon temps avec plus de 500 pages de délires « phobiques » de cet individu. Pour l'avoir vu, entendu, parfois lu en tribune ou chronique, j'en sais assez pour le vomir et pour croire, sans avoir besoin de vérifier, ce qu'en écrit Martine Storti, dans un excellent article paru sur le site Mediapart : « Il y a dans les pages du « Suicide français », une misogynie affichée, une haine des féministes mais plus largement des femmes que je ne soupçonnais pas pouvoir encore exister ainsi ». Et je choisis cet extrait parce que le mépris des femmes affiché par Zemmour est moins connu, moins médiatisé que son islamophobie. Ce qui me rappelle une intervention des copines de la Barbe venant ingénûment féliciter Zemmour, lors d'une séance de dédidaces, car « le sexisme c'est bien, le racisme c'est mieux » (ou l'inverse, je ne me souviens plus). Dans l'abjection comme dans la visibilité médiatique, Zemmour est un cumulard.
(1) Je pensais la même chose à propos du prédicateur kowietien Al-Suwaidan, invité de la Foire musulmane et qui lui, a fini par être interdit.
(2) On peut voir une série de réactions de futurs non-clients, en bas à gauche sur la page Facebook : https://www.facebook.com/filigranes?sk=reviews
(3) Le directeur de Filigranes se défend en affirmant qu'on se limitera aux dédicaces, sans aborder le contenu. Un nouveau concept : la librairie qui vend des livres sans contenu ?
Mis à jour (Mercredi, 24 Décembre 2014 17:33)