Radio, proxo, plein le do(do) !

C'est une fille, on l'appelait Gros anus.

Hahahaha, mais qu'est-ce que vous êtes drôle...

Attends, une autre.... C'est une femme, connue, hein, son époux l'a fait se déshabiller dans le jardin... vous savez comment il a fait ? Ben, il lui a dit, tu te déshabilles ou je ne nourris pas ton gosse...

Waf waf waf, c'est trop marrant !

... et c'est pas tout, après elle s'est fait sodomiser, qu'elle pouvait plus s'asseoir pendant trois jours...

Oh non, arrête, tu vas nous faire mourir... Bon, on arrive à la fin... On s'est bien amusés, hein, les gars... ?

 

 Voilà, vous croyez peut-être que c'est là une scène prise sur le vif dans une cour de récré entre ados complexés ou lors d'une soirée un peu trop arrosée entre vieux copains ? Ben non. Ce sont quelques extraits de ce qu'on a pu entendre le lundi 10 juin entre 16 et 17h sur la Première de la RTBF, la radio de service public de la Communauté française de Belgique. Ou faut-il dire : de sévice public ?

C'était dans l'émission « On n'est pas rentré », qui avait invité Dominique Alderweireld, plus connu sous le surnom de « Dodo la Saumure », proxénète revendiqué. Aux protestations de quelques râleuses, probablement féministes sinon pire, l'animateur, Olivier Monssens répond : « Chère Irène – ou Maïté, ou Ariane, ou Valérie - Dodo la Saumure est un personnage de l’actualité invité pour un livre paru chez un éditeur “sérieux” et qui parle essentiellement de sa vie passée dans le “milieu”. Il ne s’est évidemment en rien agi de prosélytisme ou de légitimation de quoi que ce soit. Et la prostitution, vaste débat dont ne se dégage aucune vérité (...) ne relève, telle que la pratique Dodo, nullement de la traite insupportable de filles de l’Est ou du Sud telle qu’on peut la voir par ailleurs. C’est un souteneur “à l’ancienne” dont je ne cautionne en rien les activités, qui a payé pour ses méfaits passés, et qui venait parler de sa vie. Avec humour et (auto)dérision, rien de plus ». Et l'animateur ajoute même : « Je vais vous faire une confidence : je suis féministe ». Confidence, c'est le mot : dans "confidence" il y a une idée de secret, et il est certain qu'après cette émission, le « féminisme » d'Olivier Monssens sera plus secret que jamais !

Mais trêve de plaisanteries. Plaintes ont été déposées, les motifs ne manquent pas : promotion du proxénétisme – qui a valu au charmant monsieur une condamnation à cinq ans avec sursis, actuellement en appel – heure de grande écoute avec des termes peu adaptés aux jeunes oreilles... Mais je ne veux pas m'insurger pour cela. Si des animateurs trouvent que M. Alderweireld mérite d'être invité en tant qu'auteur, soit, je suis résolument contre la censure – y compris de ce qui me déplaît ou qui me heurte. Ce type et tout ce qu'il représente me débecte, mais j'estime que ce n'est pas une raison suffisante pour le faire taire. Lorsque en réponse, la RTBF plaide la "liberté d'expression" ou la "liberté éditoriale" (1), oui, je suis d'accord, même si je regrette que cette « liberté » n'aille pas jusqu'à donner davantage la parole à des féministes, ou même aux femmes en général. Quant aux « jeunes oreilles » qui auraient pu être bouleversées, je crains qu'avec ce qu'on peut voir et entendre aujourd'hui sur internet, les tympans soient blindés.

Non, moi, ce que je ne supporte pas, c'est cette bande de mâles en rut riant en choeur (entre eux, les chroniqueuses habituelles ayant étant mystérieusement disparu ce jour-là) aux crachats d'un individu pour qui les femmes ne sont rien de plus que de la chair plus ou moins fraîche, des "sandwichs" à consommer sur place, des jouets pour messieurs en manque (l'un des chroniqueurs a d'ailleurs comparé Dodo à un « Saint-Nicolas pour la fête des pères », et tous de s'esclaffer).

Après ça, on va nous bassiner avec "notre" valeur sacrée, l'égalité hommes-femmes que le contrat de gestion oblige par ailleurs la RTBF à promouvoir (2). On va dénoncer, en faisant mine de s'en étonner, la persistance des violences envers les femmes. Et s'indigner vertueusement parce que des gamins sifflent une fille dans la rue, alors que « nos » hommes, eux, ne sont soucieux que d'égalité et de respect. Bande d'hypocrites, je vous vomis (ben oui, moi aussi je peux être grossière).

 

(1) Le Soir, 14 juin 2013

(2) Article 5i : « La RTBF doit être (...) active dans le respect du principe de non-discrimination,et plus spécialement dans la promotion de la diversité et de l’égalité entre les femmes et les hommes et dans la lutte contre les messages et stéréotypes sexistes ou homophobes ».

Aricle 6c : "La RTBF doit s’intéresser, de manière transversale dansl’ensemble de ses programmes, et plus spécifiquement dans ses programmes d’information et d’éducation permanente, aux enjeux de société importants, tels que (...) l’égalité des femmes et des hommes, la lutte contre les discriminations et contre les stéréotypes sexistes et les préjugés (...)"

Mis à jour (Mercredi, 17 Juillet 2013 08:50)