Allez vous faire taire chez les Grecs !

Le mardi 10 juin, peu après 23h, les chaînes de radio et les télévision publiques grecques se sont brusquement tues. Non, il ne s'agissait d'un nouveau coup d'Etat militaire, mais d'une mesure d'économie. Du jamais vu, une véritable "bombe", s'exclament les commentateurs. Les responsables des autres radios-télévisions publiques européennes sont particulièrement choqué/e/s.

Bien sûr, on les comprend. Le silence imposé l'information publique, et donc le monopole laissé au privé, ainsi que la brutalité de la méthode ont de quoi révolter. Pourtant, quelque chose grince dans ces réactions indignées. Un quelque chose qui a une sale gueule d'hypocrisie.

Car enfin, depuis que le FMI et l'Union européenne ont imposé à la Grèce les premiers plans d'austérité en 2010, plus de 100 000 fonctionnaires ont perdu leur emploi, le budget de la santé a été réduit de plus de 30% avec les conséquences dramatiques que l'on peut deviner. Le démantèlement des services publics a eu des conséquences particulièrement destructrices pour les femmes, en tant que travailleuses perdant leur emploi mais aussi en tant qu'utilisatrices et enfin, en tant que compensatrices des services qui ne sont plus rendus et qui retombent sous leur responsabilité (prise en charge des enfants, soins aux personnes dépendantes...) On pourrait y consacrer des pages (1), parler du chômage galopant, de la pauvreté, des suicides, des parents qui préfèrent abandonner leurs enfants en espérant les faire échapper à la faim, de la culture en rade, de la montée de l'extrême-droite... Il y en a vraiment pour tous les (dé)goûts.

Mais pour en revenir à l'information, qu'ont donc fait les autres services publics européens durant toutes ces années (2) ? Ont-ils dénoncé haut et fort les conséquences de cette austérité imposée ? Non, ils nous ont ressassé jusqu'à la nausée le discours sur "la seule politique possible", ne laissant qu'une place marginale aux contestations. Et aujourd'hui que le FMI admet, du bout de ses lèvres dorées, avoir commis quelques erreurs, est-ce que ces confrères et ces consoeurs en font des "unes" ravageuses ? L'affaire est pourtant au moins aussi scandaleuse que les méfaits sexuels de DSK,  pour rester dans le cadre du FMI, (et c'est une féministe convaincue qui l'écrit). Non : il fallu que les radios et les télés soient réduites au silence pour qu'enfin, le drame de la Grèce éclate au grand jour. En espérant qu'il ne sera plus présenté comme une sorte de "catastrophe naturelle" ou la décision absurde d'un gouvernement trop autoritaire, mais comme la conséquence de décisions humaines (ou plutôt inhumaines) prises par des instances non élues, non démocratiques et qui en plus, ont montré leur cruelle incompétence. Que l'information publique soit donc vraiment au service du public ! Voilà qui serait (enfin) un beau signe de solidarité.

 

(1) Pour en savoir plus, voir le rapport du Comité social et économique européen

(2) Certes je ne comprends pas toutes les langues européennes et je n'ai donc pu suivre que les informations des chaînes publiques belges, néerlandaises et françaises. Mais je serais étonnée que les autres aient tenu des discours très différents. Notamment les chaînes allemandes, dont le gouvernement a joué un rôle particulièrement nocif dans cette crise...

 

 

 

Mis à jour (Mercredi, 12 Juin 2013 10:56)