J'ai testé pour vous... les "utopies au féminin pluriel"

Ce 30 septembre, l'UCL présentait à Bruxelles une soirée intitulée « Utopies au féminin pluriel », en invitant huit femmes sur le plateau du Théâtre National. J'en connaissais certaines, j'étais curieuse d'en découvrir d'autres, mais j'avais surtout envie d'entendre deux d'entre elles : Caroline Lamarche et Françoise Tulkens.

Deux remarques préliminaires : comme l'ont relevé d'autres avant moi sur les réseaux sociaux, il est tout de même paradoxal, sinon indécent, de parler de « féminin pluriel » quand un panel est justement aussi monocolore, ne représentant en rien la diversité de la population belge. Il suffit de regarder les noms. La plus grande « audace » étant la présence d'une représentante d'un organisme flamand... Pourtant de diversité, il fut beaucoup question : celle du monde, des engagements, du public... mais pas de la tribune. Une tribune où personne ne fit la remarque (et la salle n'a pas eu la parole). A moins que la diversité n'ait été laissée au groupe musical (masculin, sauf la danseuse) qui illustrait la soirée ?

Deuxième remarque, l'absence quasi totale de toute pensée féministe. Certes, le féminisme n'est pas présent dans toutes les utopies des femmes (même si je peux le regretter), mais tout de même : le terme a été cité une seule fois (par Caroline Lamarche), et par rapport au passé (les années 1970). Le rôle et l'émancipation des femmes l'ont été un peu pls, notamment par Adeline Rosenstein et ses « femmes intrépides » dont elle présentait l'émission radio. Jetez d'ailleurs un coup d'oeil sur la présentation de la soirée : Caroline Lamarche y est désignée comme « écrivaiN » et Adeline Rosenstein comme « metteuR en scène »... mais Emilie Meessen comme « infirmièRE de rue ». Dans le genre stéréotype, difficile de faire mieux (ou pire). A noter que dans la (par ailleurs belle) présentation d'Emilie Meessen, on voit des femmes (les infirmières donc) s'occuper d'hommes (des sans abris qui retrouvent une vie plus sécurisante), encore un beau symbole. C'était pourtant l'occasion de parler, pour une fois, des femmes SDF, tellement invisibilisées (mais auxquelles le même soir un documentaire était consacré sur France 5, précisément intitulé « Femmes invisibles »).

Et le contenu ?

Inviter huit intervenantes en une soirée, sans compter les intermèdes musicaux, c'était bien sûr déjà limiter leurs possibilités d'expression. Un temps peut-être suffisant pour présenter un projet précis, dénoncer une situation – comme ces incroyables affiches d'un sexisme affligeant photographiées à Anvers à l'entrée d'un ensemble de Hautes Ecoles : un homme avec un ordinateur, une femme avec un bébé dans les bras... dénoncées par Caroline Lamarche. Mais très frustrant quand la parole est à Françoise Tulkens, cette grande dame qui plaide pour des changements aussi fondamentaux que la fermeture des prisons, l'ouverture des frontières, la désobéissance civile face à des lois injustes (elle, une juriste !) ou encore pour la réhabilitation de l'émotion face à la rationalité froide... Des sujets qu'on aurait voulu l'entendre développer et dont chacun mérite sans doute une conférence-débat... Mais si elle a pu jeter une question, ou au moins un doute, dans quelques esprits, la soirée n'aura pas été perdue.

Le cycle d'utopies continue. Peut-être découvrirons-nous un jour les « utopies au masculin singulier », en tout cas, présentées comme telles ? Ah non, ça d'habitude, c'est présenté comme de l' « universel »...

 

 

 

Mis à jour (Jeudi, 01 Octobre 2015 09:57)